En 2019, la chorégraphe et danseuse ukrainienne Olga Dukhovnaya commence à travailler sur cette commande du Musée d’art contemporain de Moscou, en version grand format avec orchestre et trente-deux danseurs. En plein confinement et après les annulations successives, le travail de réinvention mute sur une adaptation en solo, qui deviendra évidente et légitime dans la coupure totale qui a suivi l’invasion ukrainienne par la Russie. Une dimension politique et historique déjà présente dans l’inconscient collectif des ex Pays de l’Est où cette musique était la bande-son officielle des deuils d’État et des grands événements.

Ballet mythique, outil de propagande ou requiem emblématique, Le Lac des Cygnes est ici désarticulé et reconstruit comme autant de briques de Lego, effaçant les lignes entre solo et corps de ballets, faisant passer les mouvements historiques dans un seul corps, affranchissant les mouvements de leur figurativité pour les vider du drame et de l’émotionnel. Dans ce magnifique travail de recyclage chorégraphique et musical (une partition organique et électronique du compositeur russe Anton Svetlichny), oubliant plateau et décor, seule la forme initiale surnage. Comme dans ses travaux pour Boris Charmatz ou Maud Le Pladec, Olga Dukhovnaya a la performance physique, la sincérité et la liberté chevillées au corps.