La compagnie de Besançon se saisit à bras le corps du thème historique des utopistes franc-comtois (Charles Fourrier en tête) pour imaginer cette réunion théâtrale spectaculaire et partagée pour comédien immergé et spectateur ayant son mot à dire. Entre phalanstère, familistère, mutualisme, socialisme, anarchisme, auto-gestion, humour et impertinence, on causera évidemment beaucoup du vivre ensemble et du collectif dans MR KROPPS. Comme toujours dans le travail tout-terrain des Gravitation, ils élaborent au passage une véritable alternative au « forum scénique » avec cette mise en scène participative d’un débat sur l’habitat collectif où se croisent les grandes thématiques sociales et politiques contemporaines. Dans ce théâtre du « faire », à l’exact croisement de la lutte et de la psychanalyse de la ville, s’expriment autant les limites de la démocratie participative que l’absolue nécessité de rêver à de nouvelles utopies, de manger des gaufres et de ne surtout pas se priver d’en rigoler.Instigateur de cette dix-huitième réunion depuis le début de l’année et digne héritier de son illustre aïeul Jean-Baptiste-André Godin (celui des poêles) du familistère de Guise, Mr Bernard Kropps relance cette idée mutualiste et utopique de l’habitat collectif en conviant ses futurs salariés à débattre de ses projets furieusement fouriéristes. Sa devise : « Quand on travaille chez Kropps, on vit chez Kropps ». Il va falloir statuer aujourd’hui sur la taille des appartements. Au milieu des spectateurs, une galerie de personnages : François et son sacerdoce de la vie en collectivité, l’ex soixante-huitard Gilbert prônant le réalisme social et économique, Florent et sa nombreuse famille, Caroline et son consensus du juste milieu… Ça ressemble à une vraie réunion, ça brasse des mots et des idées, le spectateur se pique au jeu et intervient dans ce canevas qui laisse beaucoup de place à l’improvisation. Un passionnant travail de mise à distance humoristique, d’équilibre théâtral et de décalage tout-terrain sur la valeur de ces idées plus que jamais subversives.
BIOGRAPHIE
Depuis 1994, la Cie Gravitation s’est bâtie sur l’idée que la culture ne doit pas appartenir qu’à une poignée de spécialistes. Installée à Besançon, en Franche-Comté, terre des utopistes et de l’auto-gestion, elle conçoit des spectacles permettant d’aller jouer pour des publics les plus éloignés de la culture. Tout le monde le dit, mais eux le font, avec des créations comme NOW FUTUR 2, COOPÉRATIVE LABEL VIE, SUR LE FIL, HORRIBILIS, LE VILLAGE D’À CÔTÉ, VENDEZ TOUT, cherchant de nouvelles formes d’investigation sociale comme des moyens de renouveler un certain théâtre engagé. Et faire sienne cette citation du philosophe ardéchois Gustave Thibon : « Être dans le vent, c’est une ambition de feuille morte ».
DISTRIBUTION
Mise en scène : Jean-Charles Thomas, avec Max Bouvard, Olivia David Thomas, Fabien Thomas, Florent Blanchot et Natalia Wolkowinski.