Il y a, sur le dernier Ep de JUR, A boca llena (2012), une chanson de peu de mots et de notes qui, en moins de trois minutes, synthétise l’alchimie unique créée par Jur Domingo et Julien Vittecoq, les deux fondateurs de la compagnie pluridisciplinaire Cridacompany (danse, cirque, musique, photographie…). On y entend notamment ceci : “Avec ou sans la fleur aux dents / Comme les orages / Sage / Je suis allée / Les yeux fermés / Avec ou sans bons sentiments / Même seule en piste / Trapéziste / Je suis montée / Pour regarder”. Dans ce dépouillement et ces ellipses propices au vertige des sensations, la grande liane catalane Jur Domingo déploie son art de femme-filament électrique, conductrice d’énergies et d’émotions contradictoires qu’elle harmonise dans les mouvements de sa voix et de son corps. De feulements dans lesquels semble danser le souvenir de Lhasa de Sela en vocalises gutturales abritant tous les tremblements de l’être, elle habite en français, catalan et castillan une musique qui, elle-même, mêle les langues du blues latin, de la chanson minimaliste ou du rock dénudé. Et c’est ainsi que JUR pratique le funambulisme comme un art de vivre, voire de survivre – si l’on entend par là une manière élégante et osée de se mouvoir au-dessus des conventions, des modes et du plancher de cette époque souvent trop vache avec les ultrasensibles de cette espèce.