2024, nouveaux chapitres
Si, pour Les Tombées de la Nuit, 2023 représentait une année de transition, de passage, 2024 a signalé l’ouverture d’un nouveau chapitre de notre projet. Il s’écrit et se crée à partir des lignes fondamentales, faire événement dans la ville, faire en lien avec le territoire et en complicité avec artistes et habitants… Le récit des Tombées de la Nuit se prolonge actuellement dans une adresse particulière à la jeunesse et à l’enfance, affirmant l’essence d’un projet s’adressant à toutes et tous.
De la saison au festival, avec les habitants et aux côtés des artistes, en centre-ville ou en quartier… En 2024, Les Tombées de la Nuit ont continué à déployer des rendez-vous artistiques accessibles et joyeux. Dans une année politique mouvementée, ces rendez-vous s’appuient sur une réflexion lucide et se veulent connectés au territoire. Pour continuer à faire de l’art en commun notre raison d’être.
La saison des Tombées de la Nuit
UNE SAISON SIGNATURE

Une ode circassienne au bal populaire à la Halle Martenot ;
Une variation acrobatique sur le thème du couple dans la salle des mariages de l’Hôtel de ville ;
La réécriture dansée et chantée d’un poème symphonique de Gustav Holst ou des entresorts du futur aux Champs Libres ;
Du théâtre déambulatoire existentiel dans le centre-ville de Rennes ;
Une performance aérienne dans une cour d’école de Maurepas ;
Une irruption chorégraphique collective et participative au parc Saint-Cyr ;
Un spectacle déambulatoire interprété par les élèves d’une classe de Bréquigny ;
Une fin d’année magique et festive pour petits et grands, entre Le Grand Huit et La Chapelle du Conservatoire…
Le dimanche mais pas uniquement, seules ou en coopération avec des structures du territoire, Les Tombées de la Nuit ont cousu, sur la saison 2024, une collection nouvelle, continuant à jouer avec la ville, invitant à nouveau les habitants-complices à la danse, collaborant avec de nouveaux acteurs ou renouant avec d’autres…
Nous avons joué avec le contexte, participé à souligner la dynamique d’un quartier ou sommes allés à la rencontre de nouveaux publics.
Une irrigation du territoire, aux possibilités infinies, caractéristique des Tombées de la Nuit.
Les signatures des Tombées de la Nuit , en 2024

DIMANCHE 4 FÉVRIER
En Attendant le Grand Soir • Le Doux Supplice (Fr)
Ce spectacle familial et chaleureux était présenté à la Halle Martenot, au coeur du festival de danse Waterproof, Plongez dans la danse, événement fort de la coopération culturelle rennaise.
MARDI 13 & MERCREDI 14 FÉVRIER
Pling Klang • Mathieu Despoisse et Étienne Manceau (Fr)
Cette drôle de variation acrobatique sur le thème du couple investissait le magnifique et adéquat écrin de la salle des Mariages de l’Hôtel de ville.


SAMEDI 23 & DIMANCHE 24 MARS
Les Planètes • La Ville en feu (FR)
Constellation & Le Futur c’est l’Avenir • Les 3 Points de Suspension (CH)
Au sein de l’événement Nos futurs, organisé par Les Champs Libres et consacré à la jeunesse, Les Tombées de la Nuit proposaient ces deux spectacles : de l’intérieur du Musée de Bretagne à l’extérieur des Champs Libres, en passant par la bibliothèque.
DIMANCHE 14 AVRIL
Qui-Vive & Échappées Belles • Un dimanche avec la compagnie Adhok (FR)
Journée printanière et fédératrice sur l’espace public, gratuite et en coeur de ville, Un dimanche avec la compagnie Adhok a rassemblé un public nombreux autour de ces deux volets d’une trilogie de l’existence, pour un dimanche ensoleillé et convivial.


DIMANCHE 26 MAI
Bestiaire • Compagnie Bal / Jeanne Mordoj (FR)
Bleu Tenace • Compagnie Rhizome / Chloé Moglia (FR)
Un dimanche en collaboration avec Lillico lors de son temps fort Surprise Party dans la cour de l’école Trégain à Maurepas. Les spectacles Bestiaire de la compagnie Bal/Jeanne Mordoj et Bleu tenace de la compagnie Rhizome/Chloé Moglia sont venus clôturer un dimanche printanier rassemblant un public nombreux venu à la fois du quartier et du centre-ville.
SAMEDI 01 JUIN
Panique Olympique #6 • Compagnie Volubilis (FR)
Le jour du passage de la flamme olympique à Rennes, sur le terrain de basket du Parc Saint-Cyr, nous présentions Panique Olympique #6 de la compagnie Volubilis, spectacle chorégraphique XXL et sixième volet d’un projet au long cours reliant les Jeux Olympiques de Paris, la danse contemporaine et la pratique amateur. Cet immense ballet urbain rassemblait des danseurs et danseuses amateurs et des non danseurs de tout âge. Une journée exaltante pour toutes et tous.


VENDREDI 04 OCTOBRE
50 Mètres • Olivier Villanove / Agence de Géographie Affective (FR)
Après des ateliers avec L’agence de géographie affective et leur institutrice, des élèves de CM1 de l’école Clôteaux de Bréquigny (accompagnés de trois comédiens) ont embarqué le public dans une aventure joyeuse et ludique, en déambulation dans leur quartier, explorant les possibles de leur liberté, au-delà de 50 mètres.
VENDREDI 27, SAMEDI 28 & DIMANCHE 29 DÉCEMBRE
LE GRAND NUIT[E], L’EFFET FÊTES
Vibrato • La Fausse Compagnie (FR)
Minimal Circus • La Poupée qui Brûle (FR)
Le Petit Poucet & Cendrillon • Scopitone et compagnie (FR)
Un temps fort de fin d’année qui a, à nouveau, réuni Les Tombées de la Nuit et la famille Masclet dans leur magique Grand Huit. Une complicité prolongée pour trois semaines de manèges, spectacles, concerts, bistro, restauration et autres surprises dans ce lieu insolite.
Cette programmation festive et familiale faisait une échappée à la Chapelle du conservatoire avec trois spectacles dédiés au jeune public.

ARTICLE
Un dimanche en récré à Maurepas
Retour sur la surprise party dans le quartier de Maurepas
Dimanche 26 mai, Les Tombées de la Nuit ont soutenu l’organisation d’une journée du festival tout public de Lillico, Surprise Party, dans le quartier de Maurepas. Quand plusieurs structures du territoire coopèrent, un événement devient plus visible, l’expertise se partage, les publics se croisent.

Dans la cour de récréation de l’école Trégain, à Maurepas, grands, petits et bébés en poussettes ont applaudi les cuivres du brass band rennais, Musical social club. Le public s’est maintenant installé pour le spectacle Bleu tenace de Chloé Moglia/Compagnie Rhizome, en rond autour du grand mât où se perche l’artiste Fanny Austry, vêtue de bleu, du t-shirt jusqu’aux baskets.
Les adultes mettent leur main en visière pour suivre ses mouvements dans le soleil, au-dessus du vide. Les enfants écarquillent les yeux et la montrent du doigt : « Mais comment elle fait ? ». Ils retiennent leur souffle. L’instant d’après, certains partent se dégourdir les jambes avant de revenir s’asseoir. Ici, il y a le droit.
Ne pas s’épuiser chacun dans son coin
Lillico, le centre social et la Ludothèque de Maurepas, la maison de quartier La Bellangerais et le bob théâtre ont organisé le festival de trois jours Surprise Party. Dans le cadre de Dimanche à Rennes, Les Tombées de la Nuit leur ont prêté main forte sur une journée, en co-organisant Bleu tenace et en co-finançant Bestiaire, un solo acrobatique conçu par Jeanne Mordoj et présenté à l’école Trégain ce même dimanche.
« Toute l’année, nous restons dans nos murs pour faire exister Lillico, explique Virginie Dréano, directrice du théâtre jeune public. Là, on voulait sortir, pour « aller vers » ». Avec le soutien des Tombées de la Nuit, le festival peut proposer des spectacles gratuits dans l’espace public.
« On peut aussi s’adosser à la communication de Dimanche à Rennes, qui est très bien identifié, remarque Matthieu Baudet, administrateur de Lillico. C’est mieux que de s’épuiser à proposer des choses chacun dans notre coin. » Morgane Le Gallic, directrice des Tombées de la Nuit, confirme : « Avec Dimanche à Rennes, on vient souligner les initiatives de structures qui connaissent leur territoire par cœur et qui se donnent du mal pour faire exister des spectacles dans leurs quartiers ».


Mélanger des publics qui se croisent peu
Fanny Austry voltige au milieu des panneaux de baskets et des marelles de la cour. « C’est super de jouer un spectacle dans une école. Ça valorise un endroit important du quartier », estime Virginie Dréano. Elle a apprécié l’échange d’expertise avec l’équipe des Tombées, notamment pour trouver et équiper les bons lieux en fonction des contraintes techniques des spectacles. Ou pour réfléchir à la place et à l’engagement du public. « Quand on travaille avec Les Tombées, c’est comme si le champ des possibilités artistiques s’élargissait », poursuit-elle.
Les collaborations issues de ces dimanches mélangent des publics qui se croisent peu : ceux de Lillico, du centre social, des Tombées, du quartier. « En jouant au bas des tours, la fanfare est allée inviter les habitantes et habitants à nous rejoindre à l’école, raconte Matthieu Baudet. C’est bien aussi que les habitués des Tombées viennent à Maurepas. » Le cirque que propose Chloé Moglia est « contemplatif, magique et réfléchi », décrit Morgane Le Gallic : « Il aurait pu être un peu perdu dans une fête de quartier. Au contraire, les spectacles de la journée ont été organisés de manière à mener à ce moment poétique. Ça fonctionne ! »
Audrey Guiller
Une saison partenariale
Valoriser les évènements dominicaux en encourageant les expériences collectives, mettre en lumière, sous une même bannière et avec une ambition commune de rencontres et d’expériences, les événements déjà en place, les événements historiques et tous ceux qui font bouger la ville, telle est l’ambition de Dimanche à Rennes. Depuis 2016, Les Tombées de la Nuit co-pilotent le dispositif aux côtés de la ville de Rennes.
Dans ce cadre, et dans la lignée de leur travail originel sur le territoire et aux côtés de nombreux acteurs culturels de la région, Les Tombées de la Nuit mettent en place des partenariats sur mesure, cousus main, envisagés en fonction de la nature des projets, des besoins spécifiques d’une structure, en collaboration et en complémentarité avec leurs interlocuteurs et les organisateurs de projets.
En tant que co-pilote de Dimanche à Rennes, nous accordons une attention toute particulière à l’évolution du paysage rennais pour mieux en retranscrire, par la collaboration, la diversité des acteurs et des lieux. Une veille sur le territoire et de multiples rencontres avec les structures locales qui sont autant de points d’entrée dans notre travail de « metteurs en lien ».
En 2024, 21 évènements sont nés de ces partenariats Dimanche à Rennes
D14/01 • LES ZEF ET MER
Association Zef et Mer
À la salle de la Cité
D04/02 • LES PETITS DIMANCHES
FILLE OU GARÇON • MARION ROUXIN ET ÉRIC DORIA
Le Liberté // L’Étage
À L’Étage
D11/02 • CONCERT DE SARAH DAVACHI
Festival Autres Mesures
Au Frac Bretagne
D25/02 • CINÉ-CONCERT DE VINCENT MOON
Festival Travelling
À L’Étage
D10/03 • LES PETITS DIMANCHES
LE GRAND RÉVEIL • COMPAGNIE SONS DE TOILE
Le Liberté // L’Étage
À L’Étage
D07/04 • LE PETIT DÉTOURNEMENT
La Troupe d’Improvisation Rennaise
Au cinéma Arvor
D14/04 • LES PETITS DIMANCHES
PIRO PIRO • LE STUDIO FANTÔME
Le Liberté // L’Étage
À L’Étage
D20 ET 21/04 • LE MANÈGE DU CONTREVENT
COMPAGNIE GRANDET DOUGLAS
Festival Big Bang • L’Opéra de Rennes
Place de la Mairie
DU 21/06 AU 21/07 • VRAI / FAUX • COMPAGNIE LE PHALÈNE
COPYROOM • Les Ateliers du Vent
Aux Ateliers du Vent
D07/07 • BLOCK PARTY
Association Dooinit
Au parc des Hautes-Ourmes
D08/09 • LES 20 ANS DE BALLADE AVEC BRASSENS
Sur la promenade Georges Brassens
D08/09 • CONCERT DE FRANÇOIS AUDRAIN
Festival I’m From Rennes
Au Grand Huit
D15/09 • LE TOUR DE REINE
Festival I’m From Rennes
De la place Saint-Germain aux ateliers de la Petite Rennes
D22/09 • BOIS PERRIN VOUS INVITE !
Cuesta, dans le cadre des Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine
Sur le site du Bois Perrin
D22/09 • PRENEZ SOIN D’ELLES
ARS NOMADIS • Dans le cadre des Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine
Sur le site du centre hospitalier Guillaume Regnier
D22/09 • LE FESTIVAL DE LA MORT
La Coopérative Funéraire de Rennes
Au théâtre du Vieux Saint-Étienne
D06/10 • UN DIMANCHE GRAND SOUFFLET
Festival Le Grand Soufflet
À l’église Saint-Aubin, au Thabor et en déambulation
D20/10 • LES PETITS DIMANCHES
TROIS PETITS PAS • JULIE BONNIE
Le Liberté // L’Étage
À L’Étage
D24/11 • LES PETITS DIMANCHES
3D • COMPAGNIE H.M.G
Le Liberté // L’Étage
À L’Étage
D24/11 • CONCERTS DE ED DOWIE ET COTS
Des Pies Chicaillent
À la chapelle du Conservatoire
D29/12 • LES PETITS DIMANCHES
LE GRAND BAL DU (PRESQUE) 31
Le Liberté // L’Étage
À L’Étage

Une saison en accessibilité
Les Tombées de la Nuit mènent de nombreuses actions afin de réduire les inégalités d’accès à la culture et donner une place à chacune et chacun. L’accessibilité, pour nous, a plusieurs dimensions : tarifaire, géographique, culturelle. Une attention particulière est portée à l’accès des personnes en situation de handicap, à la sensibilisation de nos équipes à l’accueil des personnes handicapées, à la présentation de notre programmation aux publics, etc.
Nous intégrons également la question de l’accessibilité dans la conception de nos outils de communication. Le FALC (Facile à Lire et à Comprendre), diffusé en amont et pendant le festival, en est un bon exemple. Cette diffusion repose sur la validation du fond et de la forme par des publics en situation de handicap mental.
De cette réflexion continue sur la communication accessible émerge une évidence : l’intégration des perspectives des publics dans la conception d’un outil de communication s’avère nécessaire.
Après avoir amorcé ces réflexions à l’occasion d’un Mardi Graphique (conférence dédiée au graphisme) en juin 2023, Les Tombées de la Nuit ont poursuivi leur réflexion globale sur le sujet aux côtés d’Idéographik, Pollen Studio et Nos Futurs avec un nouvel événement en novembre 2024, Nos Futurs : une semaine pour une communication accessible. À l’occasion de ce hackathon (évènement au cours duquel des spécialistes et volontaires se réunissent durant plusieurs jours autour d’un projet collaboratif), des étudiants en graphisme et des publics en situation de handicap étaient invités à collaborer autour de la conception des supports de communication du prochain festival Nos Futurs. Cet événement collaboratif est porté par Les Champs Libres et Sciences Po Rennes, en partenariat avec le journal Le Monde.
ARTICLE
Une semaine pour une communication accessible
En novembre dernier, des étudiants en art et des personnes en situation de handicap ont participé à une semaine de hackathon* créatif sur le thème de la communication accessible. Accompagnés par Les Tombées de la Nuit, Les Champs libres et des professionnels du graphisme, ils ont imaginé ensemble une affiche attirante et compréhensible pour le prochain festival Nos futurs. Marie Chardonnet, chargée de communication aux Tombées de la Nuit, Jade Bechtel, coordinatrice de Nos futurs et Vincent Pérès, directeur adjoint des Champs Libres, reviennent sur l’aventure.

Pourquoi avoir organisé ce hackhathon ?
Marie Chardonnet : Aux Tombées de la Nuit, créer des outils de communication accessibles et compréhensibles par tous les publics, y compris ceux en situation de handicap, nous intéresse. On a déjà travaillé sur les plaquettes FALC (Facile à lire et à comprendre), mais on voulait aller plus loin. Or, contrairement au web design qui permet de réfléchir beaucoup à l’accessibilité en temps réel, on a trouvé peu de recherches, peu d’études, peu de matière théorique sur l’accessibilité des supports imprimés. On en a discuté avec Sabrina Morisson d’Idéographik et Laurence Schultz de Pollen Studio, avec des publics en situation de handicap, avec des étudiants qui remarquaient qu’ils n’étaient pas sensibilisés à la question à l’école, et on a eu envie de rassembler tous ces gens pour rêver et expérimenter quelque chose en collectif.
Vincent Pérès : Les Tombées de la Nuit nous ont sollicités pour participer au projet. Cela nous a tout de suite intéressés car on compagnonne depuis longtemps avec eux, mais sur de la programmation artistique. Là, il s’agissait de collaborer d’une autre manière entre un acteurs d’un même territoire. Pour nous, la communication accessible est un vrai sujet. Les Champs libres, c’est un lieu gratuit, ouvert à tous, quotidiennement. Notre mission est de mettre le public le moins à distance possible. On a une référente accessibilité dans l’équipe depuis notre ouverture.
Quelles questions se posent autour de la communication accessible ?
Marie Chardonnet : Comment aborder la conception d’un outil de communication s’adressant au plus grand nombre ? Comment inclure l’expérience des publics avec et sans handicap dans un processus de création ? La contrainte de l’accessibilité conduit-elle à une simplification, voire à un appauvrissement graphique ? Comment sensibiliser les graphistes aux enjeux de l’accessibilité ?
Qui a participé au marathon créatif ?
Jade Bechtel : 21 étudiants et étudiantes volontaires en graphisme du DNMADE Bréquigny, de l’ESAAB et de LISAA, 14 personnes en situation de handicaps différents, Sabrina Morisson d’Idéographik et Laurence Schultz de Pollen Studio, Marie et moi. Pendant 5 jours, à l’Hôtel Pasteur, tout le monde s’est mélangé pour constituer des équipes qui ont chacune imaginé l’affiche pour le dépliant du festival.


Qu’est-ce qui vous a marqué pendant cette semaine ?
Jade Bechtel : Les ateliers où les étudiants ont été amenés à ressentir et éprouver les handicaps par leurs sens, via des lunettes de simulation de malvoyance, par exemple. En comprenant comment les publics recevaient et intégraient les informations, certains ont eu des prises de conscience fortes. J’ai entendu : « Je ne peux plus concevoir mon métier de la même manière ».
Vincent Pérès : J’ai été frappé par l’horizontalité de la création. Même si chacun était en train de créer et défendre des idées, toutes et tous sont restés très précautionneux, très attentifs les uns aux autres.
Jade Bechtel : Certains groupes ont décidé d’inclure directement les personnes en situation de handicap dans la création graphique de l’affiche. Pour une personne, c’était la première fois qu’elle utilisait un pinceau. Ça bouscule des trajectoires. Une autre a dit : « ça fait du bien de se sentir normal ».
Qu’avez-vous appris ?
Marie Chardonnet : Que sur la question de l’accessibilité, faire travailler ensemble professionnels de l’image et publics est une partie de la réponse. Jusqu’à présent, ces rencontres ne se faisaient pas.
Vincent Pérès : Qu’on peut combiner communication accessible et esthétique. Tous les équipes ont proposé une affiche beaucoup plus accessible et universelle que tout ce qu’on a fait jusque-là, avec une esthétique affirmée et créative.
Jade Bechtel : J’ai retenu l’idée qu’il ne faut pas négliger les informations de base. Par exemple, représenter sur l’affiche le bâtiment où aura lieu l’événement est nécessaire. Attention aussi aux typos peu lisibles. Je n’avais pas conscience que l’affiche doit pouvoir être « augmentée ». Je ne parle pas de QR code. Mais elle doit par exemple pouvoir être utilisée par des applications de description d’image par synthèse vocale, très utilisées par les publics. Cela nous a donné l’idée d’essayer de présenter nos programmes en courts messages vocaux.
Marie Chardonnet : Que l’accessibilité consiste aussi à penser l’espace dans lequel s’inscrit l’affiche. Des équipes ont imaginé placer des éléments graphiques au sol pour amener la personne jusqu’à l’affiche.
Comment l’affiche finale a-t-elle été choisie ?
Jade Bechtel : Les équipes ont présenté leurs travaux devant un jury de professionnels qui a sélectionné 3 projets répondant aux attentes de la commande. Ces propositions ont ensuite été soumises au vote de jeunes qui prennent part à l’organisation de Nos futurs. Notre service com et l’équipe lauréate en sont à la phase de production de l’affiche. On a très envie de raconter toute cette aventure pendant le festival Nos futurs, en mars prochain, et peut-être partager nos 10 commandements de la communication accessible avec un large public.
Propos recueillis par Audrey Guiller

* Évènement au cours duquel des spécialistes et volontaires se réunissent durant plusieurs jours autour d’un projet collaboratif

Le festival Les Tombées de la Nuit
L’art au coin de la rue
Des villages-nids émergeant dans le centre-ville rennais, réflexion sur le monde des oiseaux migrateurs et des humains en déplacement ;
Une ré-interrogation passionnante du personnage de Carmen en opéra féministe et itinérant, aux Halles en Commun ;
L’édification aérienne, joyeuse et rebondissante d’une cabane d’enfant, au parc du Thabor ;
Une performance solo aérienne, magique et libératoire en tournée entre Rennes, Laillé et Le Rheu ;
La rencontre explosive entre trois danseurs de krump et trois musiciens au Théâtre du Vieux Saint-Étienne ;

Le récit, émouvant et drôle, de l’histoire de la culture homosexuelle du 20ème siècle, en déambulation théâtrale, rue Saint-Louis ;
Un riche programme d’activités annulées pour mieux lutter contre l’hyperactivité et la surproductivité, en conférence et installations théâtrales, entre la Maison des associations et La Paillette MJC, en passant par le centre-ville ;
Le récit intemporel et décalé d’une rencontre amoureuse, entre deux artistes circassiens et danseurs, au Parc Saint-Cyr ;
La fascinante danse chaotique, composite et saccadée d’une créature androgyne et futuriste tombée du ciel, place du Parlement ;
Une danse contagieuse et chamanique pour clubbing de plein-air, place Hoche ;
Une épopée foraine et maritime dans la magie du théâtre d’ombre, dans la cour de l’ancienne école Papu ;

La rencontre entre post-rock, electro bricolo et mandoline survoltée en apparitions surprises dans le centre-ville ;
Un théâtre d’objets loufoque détournant les codes des films de série B, au parc Saint-Cyr ;
La réinvention libre et contemporaine d’une danse traditionnelle cosaque, au Grand Huit ;
Un émouvant pas de deux en portée acrobatique et poétique, au parc Jean Guy ;
Une magnifique fresque pour draps blanc, mêlant humour, poésie et absurde, à l’école Jean Zay ;
Des après-midis et soirées rythmées par les concerts I’m from la Nuit, en collaboration avec I’m from Rennes, sur la scène de L’espace des Tombées au parc Saint-Cyr.

Occuper un parc, une cour d’école, prendre les grandes places du centre-ville, investir une rue entière, et ceci tout en laissant la ville et ses habitants vivre leur vie, en cohabitation joyeuse… C’est l’art sur l’espace public tel que nous le pensons, accessible, exigeant, sur le pas de la porte, à hauteur d’hommes, de femmes et d’enfants. L’art capable, en une déambulation-fleuve tragi-comique rue Saint-Louis ou en un duo chorégraphique épuré au parc Jean Guy, de nous émouvoir puis de nous faire éclater de rire ; en trois tableaux de plein-air d’un opéra hypermoderne aux Halles en Commun, de nous bouleverser ; en mille sauts de trampoline au parc du Thabor ou en un solo en suspension en tournée métropolitaine, de nous ébahir.
VOICI LA PROGRAMMATION COMPLÈTE DU FESTIVAL 2024
NiDS • Jean-Michel Caillebotte
Carmen • Maurice et les autres
Clan Cabane • La Contrebande
Rouge Merveille • Compagnie Rhizome / Chloé Moglia
Anima • Antonin Leymarie
Le Pédé • Collectif Jeanine Machine
La Fondation du rien • La Vaste entreprise
À brûle-pourpoint • Jean-Baptiste André & Julia Christ
Bloom • Jennifer-Dubreuil Houthemann
I’m From la Nuit
Hyperactive Leslie
Yoann Minkoff
Stogie T
Bou
Franky Gogo
Girls in effect
Instant Tropicool
Maxwell Farrington & Le SuperHomard
Concombre
DJ Mulah
Sophye Soliveau
Laura Perrudin
Cutter Play
Happy Hype XXL • Collectif Ouinch Ouinch
La Renverse • Les ombres portées
Crabe Vert
I killed the monster • Roizizo Théâtre
Hopak • Olga Dukhovna
La concordance des temps • Le Doux Supplice
Tancarville • Le G. Bistaki
EN 2024, LE FESTIVAL LES TOMBÉES DE LA NUIT A ACCUEILLI :
5 CRÉATIONS
28 COMPAGNIES & ARTISTES
70 REPRÉSENTATIONS
75 000 SPECTATEURS
Lors de cette édition du festival, un projet inédit a également vu le jour : une courte tournée territoriale à l’échelle métropolitaine. Il s’agit d’accompagner l’insertion artistique en mettant en avant des projets de jeunes compagnies ou d’éprouver des petites formes portées par des compagnies expérimentées qui ont besoin de se rôder.
En 2024, Les Tombées de la Nuit ont soutenu la création Rouge Merveille de Chloé Moglia et sa compagnie Rhizome, artiste associée au projet. Ce solo en suspension, alors aux prémices de sa diffusion, a été présenté à Rennes, Laillé et Le Rheu.

L’art du contexte
En 2024, le festival Les Tombées de la Nuit a pris ses quartiers d’été côté ouest du centre-ville, au parc Saint- Cyr. Situé entre La Paillette MJC et la Maison Saint-Cyr, ce parc était le coeur du festival (concerts, spectacles, jeux, bar et restauration) et se nommait, pour l’occasion, L’Espace des Tombées. Cette guinguette ludo-spatiale invitait petits et grands à danser, jouer et se prélasser dans l’herbe pendant quatre jours.
Il s’agissait, pour Les Tombées de la Nuit, de travailler ce nouvel espace en se concentrant autour de l’existant, de faire avec le quartier, ses habitants et ses acteurs associatifs.
La scénographie de l’espace était confiée à un collectif rennais d’architectes et de designers réunissant Lost & Find, Les Animé.e.s, Indiens et Indiennes dans la ville. Passionnés d’ingénierie sociale, ils avaient imaginé un espace ludique, au thème astral, intégré au quartier et invitant justement ses habitantes et habitants à participer à la scénographie.
Trois ateliers participatifs ont ainsi été organisés. L’un d’entre eux avait notamment lieu à la Maison Saint-Cyr, EHPAD public du quartier, ce qui a permis à quelques résidentes de se mêler au groupe pour de la couture, du petit bricolage, de la construction et décoration de lampions, de la peinture de drapeaux, etc.
Par ailleurs, pour nourrir cette ambiance guinguette familiale, accessible aux petits et aux grands, nous y avons ajouté un espace jeux géants, spécialité de la Maison de Quartier La Touche avec qui nous avons collaboré, et qui en assurait la médiation auprès du public. Concerts, spectacles, jeux, siestes, rencontres et retrouvailles… Pendant quatre jours, le parc Saint-Cyr a été le point de croisement de publics variés, de personnes de tous âges, un lieu d’échanges, aux couleurs du festival, vibrantes et chaleureuses.
ARTICLE
Parc Saint-Cyr, décollage imminent vers l’espace
L’espace des Tombées au parc Saint-Cyr, le nouveau lieu de convivialité du festival
En raison de travaux au cloître Saint-Melaine, le quartier général du festival Les Tombées de la Nuit a quitté le Thabor. Le parc Saint-Cyr, nouveau lieu de convivialité, a été mis en beauté par un collectif de trois associations rennaises : Les Animé.e.s, Lost & Find et Indiens et Indiennes dans la ville. Vous rappelez-vous y avoir vu…?

… Un bar-lune ? Le parc Saint-Cyr, où s’est installé le centre de gravité du festival, est « un vrai parc de quartier, bien situé et facile à habiter car en parti clos naturellement », résume Lénaïc Jaguin, directeur de la communication des Tombées de la Nuit. L’espace a été scénographié par un collectif de trois associations locales d’architectes, designers et artistes : Les Animé.e.s, Lost & Find et Indiens et Indiennes dans la ville. Leur inspiration ? Céleste. « Pour délimiter les différents espaces, on a exploré l’idée de jour et de nuit, d’astres, d’aube et de crépuscule », retrace Valentine Letellier, membre du collectif. Pour Les Tombées, la scénographie n’est pas une prestation : « On a traité cette proposition artistique comme on accueille une compagnie ».
… Des cordelettes autour des arbres ? Un périmètre arboré du parc Saint-Cyr était inaccessible aux festivaliers. « Quand on arrive dans un lieu, on en respecte le contexte, explique Lénaïc Jaguin. Une partie du site est une zone LPO (Ligue pour la Protection des Animaux) où nichent insectes et oiseaux. On l’a préservée. » L’équipe de scénographes est allée rencontrer les personnes qui dorment en tente dans un coin du parc « pour que, malgré notre installation éphémère, ils se sentent protégés et surtout pas enfermés », explique Léane Delicourt, des Animé.e.s. « Certains sont venus nous aider à monter la scénographie, c’était chouette. »
… Des lampions colorés ? Ils ont été réalisés par des complices des Tombées et des habitantes et habitants du quartier, lors de trois ateliers participatifs. « On a choisi le projet de scénographie qui impliquait le plus les habitants », explique Alice Butet, responsable des relations avec le public aux Tombées de la Nuit. Avec le collectif, les habitants ont cousu des tulles et des drapeaux en tissu de récupération. Ils ont transformé des pots de confiture en lampions. « Chaque soir, on les a distribués et tous allumés en même temps, comme un rituel », raconte Léane Delicourt. Alice Butet sait que monter des initiatives participatives prend du temps et que le timing, cette fois-ci, était serré : « La dynamique a vite pris car elle existait déjà ici, grâce au travail de La Paillette, L’association du Bourg-L’Évêque, la MJC La Touche, la Maison Saint-Cyr. L’année prochaine, on invitera encore plus le quartier à participer. »
… Des jeux en bois ? L’équipe a imaginé le site pour qu’il soit aussi accueillant l’après-midi, notamment pour les enfants et les familles. Un espace de grands jeux en bois prêtés par la MJC La Touche a rempli la mission.


… Des ombrières ? Elles ont été confectionnées à partir d’anciens tubes de gaz récupérés à La Courrouze. La commande des Tombées était une scénographie la plus durable possible, sobre, réutilisable et à base de matériaux réemployés. Le bois OSB de la signalétique et les gélatines des éclairages ont été récupérés. « Le réemploi est écologique, redonne de la valeur aux objets et rend créatif, constate Valentine Letellier. Mais il prend beaucoup de temps, alors qu’on en avait peu ».
… Des nappes oranges ? (Où bien était-ce des plaids ?) Chacune, chacun était libre de les prendre et s’en servir comme bon lui semble. « On a imaginé une scéno mouvante, souple, qui pourra grandir et se développer avec les années ». D’ici à là, les éléments existants, imposants sur le site, ont été pensés pour être les moins encombrants possibles une fois pliés.
… Vous tranformé en constellation ? Si non, c’est que vous ne vous êtes pas assez déhanché devant Reflets cosmique, l’installation d’Aloïs Kyrou qui vous changeait en constellation de planètes. Peut-être l’année prochaine ?
Audrey Guiller
L’art responsable
Si bien des critères présents dans les chartes RSE (Responsabilité Sociétale ou Sociale des Entreprises) sont inscrits dans l’ADN des Tombées de la Nuit à travers leur projet, l’association ne s’est pas moins engagée, à travers les années, dans une démarche active de réflexion et de progression de ses pratiques. Accompagnées par Le Collectif des festivals, Les Tombées de la Nuit participent à l’effort collectif du secteur culturel pour une transition socio-écologique et économique.

Le parc Saint-Cyr, espace durable et participatif
Pour la scénographie de notre coeur de festival au parc Saint-Cyr – prairie à l’anglaise située à l’ouest de Rennes où les herbes hautes abritent une riche biodiversité -, un appel à projet lancé au printemps orientait les candidatures vers des propositions participatives et durables. Notre choix s’est donc porté sur Lost & Find, Les Animé.e.s et Indiens et Indiennes dans la ville, architectes et designers passionnés d’ingénierie sociale et réunis pour l’occasion en collectif. Outre notre connexion aux habitants et acteurs du quartier pour la réalisation d’une partie des éléments de la scénographie (voir ci-contre), une attention particulière a été portée à la traçabilité des matériaux employés, privilégiant au maximum le réemploi. À ce nouvel aménagement pensé dans sa durabilité était associé notre complice Loïc Communier et sa société EvenTerra, une prolongation de notre démarche de sobriété énergétique initiée précédemment au Thabor. Nous avons à nouveau eu recours à l’alimentation solaire et avons continué notre réflexion sur une consommation raisonnée fondée sur la maîtrise de nos besoins. Les Tablées de la Nuit de Loïc Communier ont à nouveau régalé les publics d’une cuisine locale et conviviale.

Le protocole VHSS (Violences et harcèlements sexistes et sexuels)
Les Tombées de la Nuit ont travaillé à la rédaction d’un protocole VHSS (Violences et Harcèlements Sexistes et Sexuels) pour l’édition 2024 du festival.
L’accompagnement de l’équipe par Les Catherinettes (association spécialisée dans la prévention en milieu festif) et des formations en interne sont venus renforcer le déploiement de cet outil destiné au grand public, d’une part et aux équipes (salariés permanents, intermittents du spectacles, vacataires, agents de sécurité, etc.) d’autre part.
La précision que ce travail demande, l’appel à des prestations externes, l’organisation et la réflexion qu’un tel protocole implique pendant le festival… Tout cela soulève des questions intéressantes d’organisation des ressources. Au-delà, c’est la mise en place de la procédure et les questions de fond qu’elle soulève qui nous ont intéressés et qui contribuent à l’amélioration de la situation.
Aventures en complicité
Notre histoire de complicité avec les publics et les habitants est une histoire riche et forte. Construire à partir de, construire avec, aller à la rencontre de, sont des mots familiers des Tombées de la Nuit. Il s’agit de faire de la ville, de toute la ville, un territoire de jeu dénué de présupposés. Il s’agit de réinterroger le rôle du citoyen dans son environnement, de donner aux habitants d’un quartier l’occasion de côtoyer les artistes. C’est l’art en tant que lieu du lien, du partage et de l’échange.
Pour nous aider à fédérer ces énergies et ces envies, nous échangeons et tissons des relations de confiance avec de nombreux partenaires (structures culturelles, sportives, sociales, associations, etc.), tout au long de l’année. Nous imaginons ensemble des sorties adaptées, des accueils spécifiques et privilégiés pour les publics, nous écrivons une histoire singulière avec chacun d’entre eux. Il s’agit de créer des dynamiques afin que les usagers de ces différentes structures découvrent les propositions des Tombées de la Nuit et dans certains cas, de les faire participer aux projets implicatifs.
Un travail exigeant et populaire, qui s’est bien sûr prolongé en 2024, tandis qu’une nouvelle dimension du projet se déploie : la volonté de nouer et de renouer des liens avec l’école, l’enfance et la jeunesse.
Aventures d’habitants

Nos futurs
En mars 2024, pour la première fois, Les Tombées de la Nuit se sont associées au festival Nos Futurs, porté par Les Champs Libres en partenariat avec le journal Le Monde. Construit avec des lycéens et des étudiants, Nos Futurs donne la parole aux jeunes et propose un dialogue entre les générations sur des sujets variés comme l’environnement, la sexualité, le numérique, etc. Cette année, Les Tombées de la Nuit y ont programmé trois spectacles, parallèlement aux conférences et ateliers du festival. Parmi ces spectacles, Constellation(s), entresort tiré du spectacle De et par la possibilité éventuelle des devenirs envisageables de la compagnie franco-suisse Les 3 Points de Suspension.
Dans le Musée de Bretagne, une quinzaine d’habitantes et habitants-complices, sensibilisés au préalable au sujet, étaient chargés de faire vivre une expérience de cartomancie décalée aux spectateurs, à partir d’un jeu de cartes inventé par la compagnie. Une participation au processus de création qui a donné lieu, entre habitants et spectateurs, à des moments de rencontres intimes, décalés, drôles et émouvants.

Panique Olympique #6
Le 1er juin, au Parc Saint-Cyr, nous présentions Panique Olympique #6 de la compagnie Volubilis, spectacle chorégraphique XXL et sixième volet d’un projet au long cours reliant les Jeux Olympiques de Paris, la danse contemporaine et la pratique amateur.
Cet immense ballet urbain s’est présenté comme le grand projet de retrouvailles avec les habitants-complices, fédérés autour d’une chorégraphie drôle et poétique. Avec ce projet, il s’agissait également, pour l’équipe Relations avec les publics des Tombées, d’aller à la recherche de nouvelles personnes, de proposer à des habitants qui n’avaient jamais été complices du projet de danser aux côtés des six danseurs professionnels de la compagnie Volubilis.
Grâce à un appel à participation largement diffusé dès le mois de février 2024 et à des relais dans la presse, notre souhait a été exaucé. Ainsi, seul un quart des 92 danseurs amateurs présents ce samedi de juin avaient déjà participé à une expérience de complicité artistique avec Les Tombées de la Nuit.
En seulement trois soirs et une journée de répétitions au rythme soutenu, la compagnie Volubilis a su embarquer et fédérer ce groupe de danseurs et danseuses amateurs tout en lui transmettant une chorégraphie exigeante. Un travail qui a été largement récompensé tant la représentation du 1er juin fut belle et exaltante.
PANIQUE OLYMPIQUE #6, C’ÉTAIT :
• 77 HABITANTES ET 15 HABITANTS-COMPLICES
• 14 HEURES DE RÉPÉTITION SUR 4 JOURS
• 7M3 DE TERREAU MIS À DISPOSITION
PAR LA DIRECTION DES JARDINS ET DE LA BIODIVERSITÉ
ARTICLE
Portés par la flamme collective
Retour sur le projet Panique Olympique #6 de la compagnie Volubilis
Le jour du passage de la flamme olympique à Rennes, 92 habitantes et habitants complices de tout âge ont participé à Panique Olympique #6. Pour réaliser cette chorégraphie drôle et poétique, les amateurs se sont retrouvés trois soirs précédents le spectacle. Joie et courbatures.

Des femmes et des hommes en tutus fluo, jupes longues, en tenues de foot, de sport, en perruques, casquettes et dossards réunis au Parc Saint-Cyr. Comme s’ils dansaient des gestes sportifs, ils s’écroulent au sol puis se relèvent en mimant la victoire. Agnès Pelletier, chorégraphe à la tête de la compagnie Volubilis, interrompt la répétition générale de Panique Olympique : « C’était super! Mais à droite, mon cher troisième âge, vous vous trompez toujours de place ! Allez, les championnes, on revoit les positions. »
92 habitantes et habitants de Rennes Métropole ont dansé une chorégraphie d’une quarantaine de minutes aux côtés des danseurs professionnels de Volubilis. Pour la préparer, ils ont enchaîné une quinzaine d’heures de répétitions, les trois soirs et la journée précédant la performance. « J’avais envie de participer au passage de la flamme à ma façon et de me lancer un défi personnel », raconte Florence. Le premier entrainement la laisse courbaturée. « On mêle mouvements de théâtre, de danse et de sport. C’est un vrai engagement. Mais c’est génial ! »
Pour Véro aussi, les répétitions ont été « un peu raides physiquement » car inhabituelles pour elle. « Mais ça m’a donné l’envie de me bouger. Et voir tous ces corps de personnes de 7 à 77 ans en mouvement, j’ai trouvé ça très beau. » Thomas avait déjà participé à une performance avec Les Tombées de la Nuit : Dominoes. Neuf ans plus tard, ce féru de course et de badminton a vu sa curiosité aiguisée par « l’aspect chorégraphie » de Panique Olympique : « Participer à des projets qui sortent de l’ordinaire m’aide à m’ouvrir, à aller à la rencontre de personnes que je ne connais pas. On n’a qu’une vie ! Ici, le mélange des âges crée un côté familial. Et en même temps, l’accompagnement est si professionnel que même si on n’y connait rien, on prend du plaisir. »
Carole, qui fait de la danse à l’année, s’est lancée dans le projet pour découvrir de plus près le travail d’une compagnie professionnelle. « Je suis étonnée que notre groupe s’en sorte si bien. C’est un peu magique. Sûrement parce qu’Agnès est à fond et hyper pédagogue, à la fois exigeante et bienveillante. »


Agnès Pelletier ne se lasse pas de monter des projets qui impliquent des amateurs. « J’aime partager mon univers, cette folie de tous les possibles, et rendre les gens heureux en les embarquant dans une histoire. Cela peut paraître être une montagne à déplacer, mais sur place, en fédérant, on y arrive. » La chorégraphe dit travailler avec le groupe de la même manière qu’avec des danseurs professionnels. Et apprécie sentir Les Tombées de la Nuit sur la même longueur d’onde : « Ce n’est pas parce que ce sont des amateurs que Les Tombées font les choses approximativement, note-t-elle. Côté technique et organisation, tout est huilé comme n’importe quel projet professionnel. C’est un ingrédient de la réussite. »
Florence est « hyper contente » d’être là. Grâce au projet, elle a même fait connaissance avec sa voisine de palier qu’elle ne faisait que croiser. « C’est intense, mais merveilleux. Ça me rappelle le bon côté de l’esprit sportif, sans la compétition. » Véro apprécie « toucher à l’art sans être artiste » : « au quotidien, c’est rare de pouvoir interagir avec des artistes. Là, il y a de vrais échanges. » Pour elle, l’aventure est forte en émotions : « la joie collective de se dire qu’on réussit un truc ensemble. Le trac, aussi : tu sens que tu vas vivre quelque chose d’unique… et qui te rend unique aussi. »
Sorti de « scène », Thomas ressent de « la fierté et de la chance de pouvoir participer à ça ». Les participants sourient, pleurent, se serrent dans les bras. « C’est un projet artistique sensible qui fédère les émotions, reconnaît Agnès Pelletier. C’est trop beau de danser ensemble, ça place tout le monde dans la même fragilité. Et c’est si rare d’être nombreux, sur un même espace, à faire quelque chose en commun. » Le 15 juin, une version de la performance rassemblera un millier de danseurs et danseuses sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Des Rennais seront du voyage.
Audrey Guiller
Aventures en enfance
L’aventure et le récit des Tombées de la Nuit se complètent, depuis l’arrivée de Morgane Le Gallic à sa direction, par une adresse particulière à l’enfance et à la jeunesse, à la fois comme secteurs de programmation et comme territoires à explorer. Il s’agit de participer à des dynamiques dédiées à la jeunesse, de nouer et renouer des liens avec l’école (en tant qu’institution mais également comme lieu de l’espace public), de développer l’éducation artistique et culturelle…
Collaborations attentives
Les Tombées de la Nuit sont attachées à des projets dédiés au jeune public, à la jeunesse et aux familles, comme Les Petits Dimanches – Les concerts jeune public de L’Étage. Ces concerts dominicaux (au nombre de trois par trimestre) pensés, pendant la période COVID, par le Liberté // L’Étage en collaboration avec Les Tombées de la Nuit, sont devenus des événements essentiels du paysage jeune public rennais.
Nous sommes également à l’écoute de projets plus ponctuels, de temps forts dédiés au jeune public et aux familles. C’est ainsi qu’est né notre collaboration avec Lillico en 2024. Dans le cadre de sa Surprise Party, au coeur de l’école Trégain à Maurepas, nous avons collaboré sur la programmation d’un dimanche de mai, avec les spectacles Bestiaire de la compagnie Bal/Jeanne Mordoj et Bleu tenace de la compagnie Rhizome/Chloé Moglia.

En 2024, Les Tombées de la Nuit ont mis un pied à l’école avec le spectacle 50 mètres, la légende provisoire de l’Agence de géographie affective. Au commencement, le résultat d’une étude : le périmètre moyen d’autonomie des enfants aurait diminué drastiquement depuis plusieurs générations et serait, aujourd’hui, seulement de 50 mètres. Inspirés par ce constat, Olivier Villanove et Catherine Verlaguet ont imaginés un spectacle participatif dans lequel un groupe d’enfants-complices invite le public à explorer son périmètre et à le dépasser pour partir en quête de liberté et d’aventure.
Une aventure qui a débuté en septembre 2024 lorsque les élèves de CM1-CM2 de l’école Clôteaux de Bréquigny et leur enseignante ont accueilli la compagnie. Une première approche qui a été l’occasion pour les enfants de discuter, en classe, de plusieurs thèmes soulevés par le projet : Quelle est leur propre distance d’autonomie ? Quel rapport ont-ils avec l’espace public et avec l’inconnu ? Si cela leur permettait d’aller plus loin, souhaiteraient-ils être équipés d’un bracelet GPS relié à leurs parents ?
Vendredi 4 octobre, après deux jours de répétitions in situ, enfants et comédiens ont présenté le spectacle sous un soleil d’été indien. 50 mètres illustre parfaitement le rôle que l’éducation artistique et culturelle peut jouer sur l’espace public. Travaillant de concert, la compagnie et l’équipe pédagogique ont su sensibiliser et responsabiliser les enfants aux espaces communs, leur redonner du pouvoir dans la rue et dans leurs interactions avec les adultes.
Compagnes et compagnons d’aventure
Les Tombées de la Nuit ont à coeur de soutenir les artistes dans les différentes étapes de leurs réalisations, adaptant le format de leur compagnonnage aux besoins particuliers des projets.
Le nouveau projet des Tombées s’écrit sur l’envie de rencontres avec de nouvelles équipes sans que les anciennes fidélités soient pour autant balayées, bien au contraire. Les coproductions s’inventent autour de démarches artistiques fortes et adaptées au contexte bouillonnant de la vie rennaise, avec l’enjeu de construire des projets avec les habitants-complices, avec le public scolaire. Nous restons au plus près de l’envie des artistes.
Avec Chloé Moglia, artiste associée des Tombées de la Nuit pour trois années, il s’agit, par exemple, d’un accompagnement en longueur. Avec d’autres compagnies, les compagnonnages se construisent au gré des projets. Certaines ont un répertoire à faire vivre, d’autres sont aidées autour d’un projet spécifique. L’idée est d’apporter une écoute, notamment pour les artistes régionaux et rennais, d’apporter les moyens financiers, de s’engager sur des montants qui puissent amorcer ou confirmer un projet, d’opérer des mises en relation, parfois à travers Dimanche à Rennes.
En 2024-2025, Les Tombées de la Nuit accompagnent :
• La Ko-Compagnie et son manifeste participatif Tapis Rouge, consacré aux droits des enfants et qui rassemblera des centaines d’adultes et d’enfants sur l’espace public.
• Kali & Co et son projet théâtral Un poulpe peuple la ville – Nous vous parlons d’amour, réunissant des artistes et des comédiens issus des marges. Les Tombées de la Nuit co-produisent et accompagnent le projet dans sa version espace public.
• La compagnie C’Hoari et son projet Fiskal. Les Tombées de la Nuit accompagnent la version espace public de cette création centrée sur la rencontre entre la culture bretonne et la culture du skateboard.
• Le Doux Supplice et son projet acrobatique et chorégraphique Les petites épopées (titre provisoire), imaginé pour les places de centre-ville et les lieux de rassemblement.
• Anne-Sophie Turion / Compagnie Grandeur Nature avec le projet participatif et déambulatoire La même chose mais pas tout à fait pareille, ou comment le numérique transforme nos rapports aux autres et au monde.

Chloé Moglia / Compagnie Rhizome
D’abord co-fondatrice, avec Mélissa Von Vépy, de la compagnie Moglice Von Verx, interprète pour les chorégraphes Stéphanie Aubin et Kitsou Dubois, Chloé Moglia est une artiste implantée en Bretagne, à Trédion dans le Morbihan.
Elle fonde sa compagnie, Rhizome, en 2009. Formée au trapèze, elle développe depuis quelques années son principe de suspension, jouant face au vide avec ses interprètes sur des sculptures et des agrès. Nous avons accompagné la diffusion de Bleu tenace cette saison et la mise en production de Rouge merveille, qui était aussi en tournée sur le festival 2024 (à Laillé, au Rheu et à Rennes).
Nous sommes à l’écoute des projets de Rhizome et d’un futur projet pour 2026, dans une période de transmission pour la compagnie, de Chloé vers ses interprètes.

Anne-Cécile Esteve
Après Métamorphées ou l’éloge de l’aube, projet photographique sur le rapport à l’image de soi à travers la phase de réveil (présenté en 2021 et 2022), Les Tombées de la Nuit accompagnent la nouvelle création de la photographe rennaise Anne-Cécile Esteve, À vos amours, dans laquelle elle s’empare de la rencontre amoureuse.
Il s’agit de recueillir des récits de rencontres amoureuses auprès des Rennaises et Rennais, de photographier et raconter la ville à travers ses histoires d’amour et son vécu sensible, d’écouter le coeur du territoire pour en créer une « carte du tendre », de lier l’intime à l’universel.
Une période de collecte de récits, lors de permanence dans la ville, a débuté en novembre 2024 et sera suivie de la création photographique. Le projet donnera lieu à une exposition fin 2025, aux Halles en Commun ou dans le quartier Cleunay / La Courrouze.
ARTICLE
Là, déposer quelque chose avec soin
Rencontre avec Chloé Moglia, directrice de la compagnie Rhizome
Chloé Moglia est suspensive – elle pratique l’art de la suspension, discipline de cirque – et directrice de la compagnie Rhizome. En tant qu’artiste associée aux Tombées de la Nuit, elle a présenté deux de ses créations à Rennes cette année. Elle aime le dialogue, la collaboration, et fuit le cliché d’un artiste qui plaquerait ses idées sur le monde.

Quelle est votre histoire avec Les Tombées de la Nuit ?
En 2019, je suis venue avec La Spire, au jardin du Thabor. Cinq femmes, dont je faisais partie, se sont suspendues à une immense spirale et jouaient avec le vide, accompagnées par une musicienne. En 2024, j’ai présenté Bleu Tenace lors d’un Dimanche à Rennes, à Maurepas, en lien aussi avec Lillico. Et je suis revenue pour le festival, avec quatre représentations de Rouge merveille, une nouvelle création en collaboration avec Mélusine Lavinet-Drouet.

Pourquoi avoir accepté d’être artiste associée aux Tombées de la Nuit ?
Je vis dans le Morbihan, on est un peu voisins. C’est important pour moi d’être associée à une structure proche géographiquement. Comment faire du bon travail sur un territoire qu’on ne connaît pas ? J’aime quand la structure a autant envie que moi de travailler avec le terrain. C’est situé. C’est une matière dont je peux me saisir. Ça permet de sortir du cliché de l’artiste créateur qui a de grandes idées qu’il plaque un peu partout. Moi je travaille « avec », « autour », « à l’écoute de », « en dialogue ».
Comment ce travail de territoire a influencé Bleu Tenace ?
Les Tombées de la Nuit et Lillico ont réfléchi à un lieu de représentation, une cour d’école du quartier, pour de bonnes raisons. On s’est mis d’accord pour tester. J’ai visité le lieu, je l’ai ressenti, on m’a raconté les histoires qui le traversent. Dans ma pratique, j’ai fait attention à ce tissu. Cela m’a aidée à déployer une sorte de tact. Pour moi, un artiste ne doit pas rester en surface. Le tact implique et de la retenue, et du contact. Quand je travaille quelque part, j’ai envie de rencontrer les gens et les endroits pour y déposer quelque chose avec soin.

Comment Les Tombées de la Nuit vous accompagnent ?
Le mot « accompagnement » ne me semble pas juste. Je ne suis ni une enfant qu’on accompagne à l’école, ni porteuse d’un art tout-puissant qu’il faudrait servir. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler collectivement avec une structure : de se questionner ensemble sur des thèmes importants pour eux et pour moi, de partager une réflexion. Aller simplement voir une structure pour dire : « j’ai un prochain spectacle, il me faut de l’argent » ou qu’on ne parle que de calendrier pour une représentation, ça ne me satisfait pas. J’ai besoin qu’on croise nos idées pour « faire ensemble ».
Où vos questionnements croisent-ils ceux des Tombées?
Le travail en espace public, qui est l’ADN des Tombées, me tient aussi à cœur. On a en commun cette envie joyeuse de faire exister l’art au milieu de la vie, et pas à côté. Dans l’espace public, l’art est en porosité, en ouverture avec le reste. Les artistes ne sont pas les seuls acteurs de ce qui a lieu. Une communauté de gens a lieu. Ensemble, on regarde, on parle, on bouge, on respire, on s’accroche. Penser ainsi crée une façon particulière de considérer le public.

Comment percevez-vous le public?
Dans une représentation, il n’y a pas des artistes actifs et des spectateurs passifs. Quand je joue, je regarde beaucoup le public. Inversement, l’attention du public est en engagement corporel fort. C’est vraiment une participation. Un « spectacle » est un moment particulier où chacun accorde sa confiance à l’autre. Je ne crois pas à l’idée d’un artiste connecté avec le ciel, qui en transmettrait des messages que le public devrait décrypter. Ça crée une situation étrange où une catégorie de gens seraient hyper contents d’en admirer une autre qui se la pète. Je suis partisane d’un travail artistique plus scrupuleux, plus honnête, où structure, artiste et public agissent ensemble, en équité.
Comment construire cette équité?
La clarté est un ingrédient. Par exemple, la façon dont Les Tombées s’adressent au public à travers leur programme FALC (Facile à lire et à comprendre) m’inspire beaucoup. On n’est pas simplement dans un discours « il faut être inclusif », mais on travaille à l’être. Si chaque maillon du monde artistique abandonne ses postures et ses langages obscurs pour « initiés », alors chacune et chacun récupère sa puissance d’agir.
Propos recueillis par Audrey Guiller