2021 : Ombre & Lumière
Après dix-huit mois de crise sanitaire, détricoter l’année 2021 des Tombées de la Nuit relève du défi. Aujourd’hui, du long chemin que nous avons emprunté, sinueux et semé d’embûches, que subsiste-t-il ? Une atmosphère, un ressenti, le souvenir d’un couloir brumeux mais émaillé d’éclaircies, du travail, des idées, des projets. Avant le retour tant attendu au mouvement, au public, au jeu avec la ville.
À présent, lorsqu’on se retourne pour regarder en arrière, 2021 se révèle être une année contrastée, une année en trois temps, où l’ombre a laissé place à la lumière, puis à une productivité douce et observatrice. Une année de complémentarité imposée, mais finalement heureuse.
Janvier à Avril : vers le bout du tunnel
Au début de l’année 2021, pas d’éclaircie en vue lorsque la réouverture des salles de spectacle, auparavant annoncée le 7 janvier par le gouvernement, était reportée indéfiniment. Pas d’éclaircie en vue lorsque, le 16 janvier, un couvre-feu à 18h était instauré sur tout le territoire.
Début janvier, les projets enclenchés à l’automne 2020 voyaient leur faisabilité menacée ou leur format modifié.
Partenariats Dimanche à Rennes : faire et défaire
Ce fut le cas pour nos premiers partenariats Dimanche à Rennes de l’année. Car la volonté des Tombées de la Nuit d’être partie prenante des rencontres et expériences communes autour des dimanches n’a pas faibli en 2021. Valoriser les événements dominicaux existants, encourager les expériences collectives, mettre en lumière ces événements associatifs, sportifs, culturels sous une même bannière, et avec un désir partagé de rencontres et d’expériences, telles sont nos ambitions et nos objectifs, dans ce travail de co-pilotage au long cours que nous menons auprès de la ville de Rennes.
Dès le début du projet des Tombées de la Nuit, dans le cadre de leur action territoriale, des relations fortes avec de nombreux acteurs culturels de la Région ont été nouées. Dans cette lignée et depuis le lancement de Dimanche à Rennes en 2016, nous avons créé des partenariats sur mesure, au cas par cas, envisagés en fonction de la nature des projets, des besoins spécifiques, en collaboration et en complémentarité avec les interlocuteurs.
Début 2021, dans la poursuite de cette dynamique, quelques beaux partenariats s’apprêtaient à voir le jour même s’ils avançaient prudemment, conditionnés par la situation sanitaire :
• Dimanche 17 janvier, Les Zef et Mer, en partenariat avec Les Tombées de la Nuit, ont présenté un événement adapté au contexte sanitaire : les professionnels pouvaient venir à la rencontre des groupes, le public était invité à découvrir ces artistes à travers des captations vidéos.
• Une nouvelle collaboration avec le festival Autres Mesures était également en préparation mais finalement mise de côté. Toujours très désireux de collaborer sur un futur événement dédié à la musique contemporaine, nous semions, en janvier, la graine d’un partenariat sous des cieux plus cléments, dans le cadre de l’été des Tombées.
• Les Petits Dimanches – Les concerts jeune public de L’Étage, collaboration inédite entre Les Tombées de la Nuit et Le Liberté//L’Étage, devaient quant à eux débuter le dimanche 7 février et devenir un rendez-vous mensuel jusqu’au mois de juin. Un report de toutes les dates s’est malheureusement imposé.
• Notre partenariat avec l’association Clair Obscur dans le cadre du Festival Travelling était, lui, prévu pour le dimanche 21 février. En lien avec la thématique principale du festival, La Nouvelle Orléans, les Rennais d’Engrenage[s] devaient présenter Red Line Crossers. Cependant, le festival se transformant en édition en ligne, notre collaboration fur reportée à l’été suivant.
• Du 3 au 21 février, le Festival Waterproof, piloté par Le Triangle et le CCNRB/Collectif FAIR-E, présentait sa deuxième édition auxquelles Les Tombées de la Nuit, comme tant d’autres structures, devaient participer. Mais face au contexte, notre participation ne pouvait aboutir. Rendez-vous est pris pour le 6 février 2022.
La brèche du printemps
En temps normal, le projet des Tombées de la Nuit déploie des propositions tout au long de l’année, axant sa présence autour du dimanche. Seuls ou en co-réalisation avec d’autres structures rennaises, le dimanche ou plus largement le week-end, nous présentons des aventures particulières où continuent à se mêler propositions artistiques inédites, participation citoyenne et dialogue avec l’espace public.
Bien sûr, pendant les premiers mois de 2021, la situation fut toute différente. Les idées déployées demeuraient au stade de projet, du moins jusqu’à la fin du mois de mars lorsqu’une brèche s’est ouverte le dimanche 21, premier jour du printemps. C’est ainsi que la saison des Tombées de la Nuit a redémarré, le temps d’un week-end.
Le travail effectué depuis 2020 auprès des habitants, sur le projet Métamorphées ou l’éloge de l’aube, a pu enfin être exposé au grand jour. Rappelez-vous, Métamorphées, c’est l’aventure humaine de la fin de l’année 2020, l’une de celles qui marqua la reprise du lien entre Les Tombées de la Nuit et ses habitants-complices.
Pour ce travail de fond de relations avec les publics, avec les habitants, coeur du projet des Tombées de la Nuit, l’année 2020 avait bien sûr été fâcheuse. À partir de septembre cependant, le projet d’Anne-Cécile Esteve, oeuvre photographique sur le rapport à l’image de soi à travers la phase de réveil, avait redonné du souffle à cet échange humain, à cette conversation durable entre les habitants et les artistes que nous chérissons tant.
La photographe rennaise allait régulièrement dormir chez les photographiés volontaires pour mieux, le matin, capter immédiatement la phase de réveil devant son objectif. Pas loin de cinquante portraits matinaux avaient ainsi été tirés.
L’exposition de ces portraits n’avait pu avoir lieu fin décembre 2020 comme initialement prévu. C’est donc naturellement lors du week-end de printemps 2021 que les images furent exposées. À l’aube du dimanche 21 mars, place de la mairie, une quarantaine de photographiés se retrouvaient autour d’Anne-Cécile Esteve et de l’équipe des Tombées de la Nuit pour une séance de collage sur les panneaux d’affichages libres de la ville de Rennes. Réveiller les rues avec ces visages, à coups de colle et de pinceaux, fut l’occasion, pour Les Tombées de la Nuit, d’un retour au jeu avec la ville, d’un retour au partage et à la complicité vivante avec les habitants. L’exposition, sauvage dans un premier temps, était ensuite visible pour quelques semaines sur les abribus de la ville.
Photo : Métamorphées © Benjamin Le Bellec
Cette brève brèche printanière a également vu éclore le projet Hoper de Stéphane Hardy, succession d’odes au temps qui passe, de pièces en solo improvisées à la bombarde sur les hauteurs de la ville. À partir de 07h07 ce dimanche 21 mars, et toutes les heures jusqu’à 19h07, le musicien a veillé sur la ville, devenant pour une journée un repère sonore incarné, une veille rassurante en ces temps troublés (depuis le balcon de L’Opéra de Rennes au Belvédère des Frères Bouroullec, en passant par la Cathédrale Saint-Pierre, le Beffroi de l’Hôtel de ville, l’Orangerie du Thabor, le toit de la Chambre des Métiers, le toit de l’Espace des Sciences des Champs Libres).
Hoper, en breton, c’est celui qui annonce, c’est le crieur. En anglais, c’est celui qui espère. Du lever du soleil à la tombée de la nuit, ce parcours musical, co-produit et accompagné par Les Tombées de la Nuit, a offert aux Rennais une bulle d’espoir au coeur d’un contexte encore bien difficile.
Photo : Hoper © Benjamin Le Bellec
Derrière les spectacles, l’accompagnement des artistes
Toute l’année, Les Tombées de la Nuit ont à coeur de soutenir les artistes dans les différentes étapes de leurs réalisations, adaptant le format de leur compagnonnage aux besoins particuliers des projets.
En 2021, comme ce fut le cas en 2020, nous avons d’autant plus souhaité accompagner les artistes qu’ils ont dû affronter de nombreux obstacles pendant la pandémie, faire face aux reports et annulations de leurs créations. Pendant la première partie de l’année, alors que les performances face aux publics étaient encore empêchées, leur travail ne s’est pas pour autant interrompu. Il nous a donc semblé important d’utiliser nos outils de communication pour révéler cette présence artistique vivant habituellement en arrière-plan, pour mettre en lumière le travail des artistes, les résidences, les temps de création existant à l’ombre de la scène et bien souvent absents de la conscience du public.
Voici les quelques spectacles et artistes, actifs en 2021, que nous avons souhaités mettre en lumière :
LA KO-COMPAGNIE (FR) • ¡ COLECTIVA !
GWENN MÉREL (FR) • CES NUAGES QUI COURENT LÀ- BAS
L’ÉCOLE PARALLÈLE IMAGINAIRE (FR) • LE PAYS
KALI & CO (FR) • LE RANCE N’EST PAS UN FLEUVE
L’ÂGE DE LA TORTUE (FR) • FUSÉE DE DÉTRESSE
ACTION HERO (UK) • OH EUROPA
L’INSTANT DISSONANT (FR) • L’ÎLE SANS NOM
MARILYNE GRIMMER (FR) • BONS BAISERS DE RENNES / POSTCARDS FROM ELSEWHERE
Plus largement, nous avons accompagné ces artistes, qu’il s’agisse de la continuité d’un compagnonnage ou d’une nouvelle collaboration autour d’une création :
ASSOCIATION W / JEAN-BAPTISTE ANDRÉ (FR) • DEAL
ANNE-CÉCILE ESTEVE (FR) • MÉTAMORPHÉES OU L’ÉLOGE DE L’AUBE
COMPAGNIE OCUS (FR) • LE DÉDALE PALACE
STÉPHANE HARDY (FR) • HOPER
DAVID MONCEAU (FR) • CLARTÉ
GUZ II (FR) • ICEBERG
QUIGNON SUR RUE (FR) • CITÉ FERTILE
1 MONTREUR D’OURS (FR) • LES CLASSIQUES DU GRAMI
ANNA RISPOLI (IT) • TES MOTS DANS MA BOUCHE & A CERTAIN VALUE
CAPTAIN BOOMER (BE) • WHALE & PASTURE WITH COWS
CLÉDAT ET PETITPIERRE (FR) • VÉNUS PARADE
COLLECTIF 49 701 (FR) • LES TROIS MOUSQUETAIRES • QUE MA JOIE DEMEURE
COLLECTIF A/R (FR) • PLACEMENT LIBRE
COLLECTIF ÈS (FR) • LOTO 3000
COMPAGNIE 2 RIEN MERCI (FR) • LA SONOTHÈQUE NOMADE
L’AMICALE (FR) • BIG DATA YOYO
L’ATELIER DES POSSIBLES (FR) • UN MONDE EN BAS DE CHEZ MOI
LE CORRIDOR (BE) • THINKER’S CORNER & PATUA NOU
MASSIMO FURLAN / NUMERO23PROD (CH) • LE CAUCHEMAR DE SÉVILLE, TRAGÉDIE EN 2 ACTES AVEC PROLONGATION
SACEKRIPA (FR) • VRAI
THANK YOU FOR COMING (FR) • FINIS TON ASSIETTE !
Lors des premiers mois de l’année 2021, nous avons donc pris des nouvelles de quelques artistes au travail pour comprendre où ils se trouvaient dans leur processus de création. Il s’agissait ensuite de raconter cet itinéraire pour mieux patienter avant, le moment venu, de les voir s’épanouir sur l’espace public aux yeux de tous.
Car, pour l’équipe des Tombées de la Nuit, l’été représentait l’espoir et la possibilité pour toutes ces idées discutées, ces projets en création, de se déployer face au public. En avril, la programmation estivale presque achevée, nous avancions donc confiants et prudents vers la préparation du festival et de ses bonus.
Mai à Juillet : reprise lumineuse
Fin avril, l’annonce d’un déconfinement en plusieurs étapes nous a permis d’entrevoir la lumière au bout du tunnel et de nous projeter clairement et rapidement vers l’été des Tombées de la Nuit.
Bien sûr, il s’agissait là d’une préparation accélérée du festival. En mai et juin, soudainement, le temps redevenait court. Mais qu’importe puisque les mois de patience précédents n’avaient fait qu’accentuer notre désir de créer à nouveau du lien avec le public et les habitants, de jouer avec la ville, de retrouver les artistes sur l’espace public.
Pour les relations aux publics, retisser les liens
Depuis les débuts, la place de l’habitant-spectateur est au centre des préoccupations de l’équipe des Tombées de la Nuit. En questionnant la place du spectateur, en réinterrogeant le rôle du citoyen dans son environnement social, en favorisant le pas de côté, les rencontres entre artistes et habitants lors de projets implicatifs, nous cherchons à comprendre et à rencontrer l’autre dans sa singularité, nous aspirons à l’enrichissement artistique et personnel de chacun, à l’ouverture vers des esthétiques nouvelles. Lorsque, dès la genèse de l’écriture, il questionne la place du spectateur et son rapport à l’espace public, l’artiste retient notre attention.
En avril 2021, après des mois de liens distendus, le redémarrage de mai et le festival en ligne de mire étaient l’occasion d’une nouvelle prise de contact avec les habitants et de retrouvailles avec le public.
Il s’agissait à présent de redonner confiance à des habitants parfois peu rassurés, d’apaiser leurs possibles appréhensions face au retour des interactions sociales. Car partager et échanger sur les constats, envies et questionnements fait partie de notre travail auprès des habitants-complices.
Puisqu’ils allaient être des acteurs essentiels sur plusieurs spectacles du festival, il nous fallait relancer cette dynamique implicative quelque peu endormie, ou concrétiser un travail commun mené à distance depuis des mois :
• La performance Ces nuages qui courent là-bas de la Rennaise Gwenn Mérel, forme impromptue surgissant dans le paysage urbain. En 2020, pour mener à bien ce projet, l’artiste et Les Tombées de la Nuit avaient proposé à des habitantes, amatrices de points de riz et de points de jersey, de confectionner des pulls-nuages, motif récurrent, répétitif et mouvant de la performance. Les complices tricotaient donc à leur rythme en prévision du jour J de la présentation au public. Cette aventure collective, prétexte à un partage entre artistes, non-artistes, tricoteuses, marcheurs et marcheuses, habitantes et habitants du territoire, devait ensuite s’achever par une apparition surprise dans le centre-ville de Rennes, le dimanche du festival.
• Sensibles Quartiers de la compagnie Jeanne Simone, chorégraphie sonore et déambulatoire à la (re)découverte du quartier du Vieux Saint-Étienne. Ici, des habitants du quartier s’engageaient à accueillir les soli d’un artiste de la compagnie bordelaise, partie centrale du processus de création du spectacle permettant une rencontre, un temps artistique en échange de récits ou d’anecdotes sur le quartier.
« On est des aventuriers, en missions tantôt ordinaires, tantôt extravagantes. »
Les Tombées de la Nuit les appellent les «habitants-complices». Ce sont des Rennaises, Rennais et Métropolitains volontaires qui tiennent un rôle dans les spectacles proposés par l’association. Ni professionnels, ni spectateurs, ni bénévoles, ils sont invités à danser, guider, figurer, chanter ou servir un thé. Deux d’entre elles, Danielle et Alexandra, racontent leurs aventures.
Comment devient-on habitante-complice : après mûre réflexion ou sur un coup de tête ?
Danielle : Je fréquente le festival depuis 1980 comme spectatrice. Un jour, j’ai assisté au spectacle d’une chorale professionnelle. Parmi eux, qui faisaient une chorégraphie à terre, j’ai reconnu des amis rennais. Je leur ai demandé ce qu’ils fichaient là. J’ai alors appris l’existence des habitants-complices. Un réservoir de gens du coin, qui s’impliquent dans les spectacles des Tombées de la Nuit en répondant aux besoins des artistes. J’ai franchi le pas en m’inscrivant aux Veilleurs de Rennes, en 2012.
Alexandra : Moi aussi, c’est avec les Veilleurs que je suis devenue habitante-complice. Je suis Rennaise depuis 1974 et j’ai souvent vu des spectacles des Tombées de la Nuit. L’invitation à veiller m’a attirée. Mais le temps que je me décide, j’étais 700ème sur une liste d’attente. Puis les Tombées ont eu besoin d’accompagnateurs pour les Veilleurs et j’ai embarqué dans l’histoire.
Quel souvenir gardez-vous de cette première expérience ?
Alexandra : Le souffle coupé en découvrant Rennes du haut de la cahute des Veilleurs, perchée au-dessus de l’esplanade Charles-de-Gaulle. La rencontre avec plein de gens chaleureux.
Danielle : Je me rappelle avoir raconté mon expérience de veille à des amis qui m’ont demandé« mais à quoi ça sert ? ». « À rien », j’ai répondu. « Alors c’est génial ! », ils ont conclu. Je me souviens d’un Veilleur que j’ai accompagné, à qui j’ai expliqué tout le projet puis proposé un verre de rosé pour se désaltérer après sa veille. Je n’ai pris conscience qu’à la fin qu’il ne parlait pas français et qu’il était musulman. Ça s’appelle un râteau (rires).
Photos : habitantes-complices © Marie Chardonnet
Être habitantes-complices, cela vous a amenées à faire quoi exactement ?
Danser, chanter, écrire des textes, haranguer la foule, participer à un flashmob, enfiler un gilet jaune pour faire la circulation, accompagner des personnes autistes à un spectacle, servir du thé dans une station d’épuration, lancer des poudres colorées dans la rue, guider des gens dans les salons dorés de l’Hôtel de Ville, tricoter des pulls.
Comment choisissez-vous les projets auxquels vous participez ?
Alexandra : Lors de « Causeries » régulières, Les Tombées de la Nuit réunissent les habitants-complices. Ils nous présentent les projets à venir, nous demandent ce que l’on en pense et lancent des appels à participation. On discute. On s’inscrit. Et le lendemain on se réveille en se disant… « Non mais t’es complètement folle d’avoir fait ça ! »
Danielle : Ah, ah, c’est exactement ça ! À chaque fois je me dis : « Mais ma pauvre fille, dans quoi tu t’es encore embarquée ? »
Qu’est-ce qui vous plait dans ces expériences ?
Alexandra : Sortir de la routine et de sa zone de confort, vivre des choses hors du commun, faire ensemble, être lié aux autres participants, être surpris. À chaque fois, ça met en joie, tout simplement. Et puis on fait de notre mieux, mais on n’est pas professionnels. Les spectateurs sentent sûrement cela, j’espère que ça leur montre que l’art peut être vécu par tous.
Danielle : J’aime le côté un peu zinzin, le fait d’être en contact avec le milieu artistique, de donner bénévolement de soi. On sait d’où on part mais jamais où on arrive. On est comme des aventuriers, en missions tantôt ordinaires, tantôt extravagantes. On croque dans la vie avec d’autres enthousiastes. Ce que j’aime aussi, c’est le support de l’équipe de choc des Tombées de la Nuit. Ils sont à la fois sérieux, fous, organisés et gentils. Même si on est des petites mains, ils nous font confiance et nous considèrent.
Votre meilleur souvenir ?
Alexandra : Chanter Alexandrie Alexandra de Claude François, sur scène pendant le Love Bal. Il m’a fallu deux verres de vin blanc et une séance de relaxation pour oser chanter seule en public. Je ne m’en serais jamais crue capable. Chez moi, tout le monde me dit que je chante faux…
Danielle : Danser à l’intérieur de la prison des femmes, pour le projet Handbag. C’était intense, très émouvant ce partage et ce contact avec les femmes détenues.
Le pire ?
Danielle : Un petit moment de solitude pendant la performance Dominoes… Je surveillais une section de dominos géants pour que personne ne les touche et risque de les faire tomber. Un homme s’est approché tout près d’une brique. J’ai commencé à hurler, je lui presque sauté dessus ! C’était le metteur en scène…
Alexandra : Je n’en vois aucun. Certaines missions sont moins exaltantes que d’autres, certes.
Danielle : Je trouve cela intéressant justement. Une fois on se sent en haut de l’affiche, la fois suivante on accepte une tâche ordinaire. Ça remet les pendules à l’heure et cela entretient l’envie.
Votre envie pour la suite, justement ?
Danielle : Que la fête continue !
Alexandra : Oh oui et le plus longtemps possible…
Propos recueillis par Audrey Guiller
Une communication accélérée
Pour l’équipe communication, qui avait puisé en 2020 dans les réserves du projet afin d’alimenter le temps long, 2021 démarrait à vide, en panne de récit. Puisque le temps long se nourrit du temps court, l’absence durable d’activités et d’événements rendait l’histoire du projet désormais difficile à raconter. À cela venait s’ajouter le désir, partagé de toute part, d’un retour à la normalité, un besoin vital de sortir de la seule interface digitale pour reprendre contact avec le monde matériel, avec l’humain.
Fin avril donc, le récit redevenait possible et c’est tout naturellement que nous l’avons axé vers l’idée du retour à la lumière.
Le visuel choisi pour notre temps fort estival devait signifier cette joie retrouvée. Avec une lumière rouge et chaude perçant à travers un store vénitien, il s’agissait d’illustrer le triomphe de la lumière sur l’enfermement, sur l’obscurité. Une renaissance, en somme, un retour à la vie.
Ce fil rouge s’est étiré grâce à la programmation en ouverture du festival de l’installation Borealis du Suisse Dan Acher, une aurore boréale illuminant le coeur de Rennes. Par un concours de circonstances, le 30 juin, la date prévue pour la première de Borealis qui était aussi la date d’ouverture du festival, correspondait à la fin, annoncée par le gouvernement, de tout couvre-feu sur le territoire national. L’image était belle, et même si le couvre-feu aura finalement été suspendu le 20 juin, nous avons pu nous emparer de cette thématique. Grâce à un récit structuré autour d’une telle idée centrale, grâce à tous les corps de métier extérieurs prêts à relever, avec nous, le défi du temps court, la stratégie de communication a fonctionné.
Le 30 juin, c’est le public, venu nombreux sur l’esplanade Charles-de-Gaulle pour l’ouverture de Borealis, qui s’est emparé du récit à travers les réseaux sociaux.
Tous ensemble, partager le même ciel
Pendant le festival, l’artiste suisse Dan Acher a créé des aurores boréales en centre-ville de Rennes. Borealis, deux fois reporté à cause de la situation sanitaire, a été pour Les Tombées de la Nuit le signe du retour à la nuit, en même temps que celui du jour nouveau.
Le ciel se teinte de volutes vertes et bleues qui dansent. Waw ! Sans prévenir, mon coeur fait un joyeux petit bond. Impossible de réprimer un sourire.
« Le rendu esthétique de mes oeuvres n’est pas ma préoccupation première. C’est vraiment l’émotion que vont vivre les gens qui m’importe, explique Dan Acher, « artiviste » et créateur de Borealis. Dans mes recherches, j’ai remarqué que les aurores boréales avaient cette capacité à créer un sentiment de magie, d’extraordinaire. Une sensation d’être lié à quelque chose de beau et de fort qui nous dépasse. Or le pourcentage de gens qui verront une aurore boréale dans leur vie est proche de zéro. J’ai donc eu envie d’en recréer, pour en offrir aux gens. »
Jamais avant je ne m’étais vraiment arrêtée sur l’Esplanade Charles-de Gaulle. Jamais avant, c’est sûr, je ne m’y étais allongée pour regarder le ciel.
Avant Rennes, Borealis a déjà illuminé 11 villes de 7 pays différents. Toujours en centre-ville. « Car c’est là que se concentre la population », explique Dan Acher. Le jour, l’esplanade sert de parking au centre de vaccination Covid installé au Liberté. La nuit, l’aurore l’a métamorphosée. « Ces lieux pensés pour être efficaces, je propose aux habitants d’y vivre quelque chose de complètement différent. »
Allongée, j’entends des jeunes, des vieux, parler autour de moi. En français, en arabe, en anglais. Le murmure ne m’agresse pas, il m’enveloppe tranquillement.
Avec Borealis, Dan Acher a voulu créer une situation où spectatrices et spectateurs se sentent appartenir à la même communauté d’humains. Peu importe les différences, tous embarquent ensemble dans la même aurore : « Je crois que finalement, notre but à toutes et tous est de nous sentir liés aux autres, d’aimer et d’être aimés. C’est joyeux de savoir que l’on peut tous accéder à cela. Et c’est désespérant de constater que ce n’est pas simple d’y arriver. Borealis est une porte d’entrée vers ce sentiment. »
Les yeux vers le ciel, je me demande… avec ce climat qu’on détraque, est-ce qu’on verra bientôt de vraies aurores surgir en France ?
Pour certains spectateurs, Borealis amène à la pure contemplation : Ils se laissent emporter par la musique de Guillaume Desbois, les lasers colorés et les nuages de fumée qui créent l’illusion. « Selon le vent, la température, l’humidité, l’aurore n’est jamais la même. J’aime cette idée qu’on ne maîtrise pas la météo. » Pour d’autres, Borealis agit comme une graine qui appelle réflexion. « L’art a toujours été utilisé pour créer du changement, sourit Dan. Oui, Borealis pose la question du dérèglement climatique. D’un équilibre que les humains, en 2000 ans, ont bouleversé. Peu à peu nous comprenons que tout est relié».
Audrey Guiller
Photo : Borealis © Nicolas Joubard
Juillet : les retrouvailles avec Rennes
Le festival Les Tombées de la Nuit a fait son retour du 1er au 4 juillet 2021. Puis, en écho à ce premier coup d’envoi, quelques rendez-vous, quelques bonus, se sont déroulés le long du mois de juillet.
Même s’il ne s’agissait pas encore vraiment d’un retour à la normale, avec une édition dépendante des consignes sanitaires, nous souhaitions que cet été des Tombées soit l’illustration de l’espoir ressenti et de la joie d’être réunis à nouveau sur l’espace public.
Comme nous l’avions imaginé, ce premier week-end de juillet fut un temps de retrouvailles fort, un évènement joyeux, dense, pétillant de propositions. Émouvant aussi parfois, en témoigne le spectacle Mirage (un jour de fête) de la compagnie Dyptik. Lors de quatre représentations immersives au collège Échange, la compagnie stéphanoise a embarqué les Rennais dans une célébration de la force collective. Gonflés à l’énergie de cette bande de jeunes gens si modernes, les spectateurs se sont joints à elle lors d’une danse finale libératrice jusqu’à, pour certains, en être émus aux larmes.
Une aurore boréale en coeur de ville sur l’esplanade Charles-de-Gaulle (Borealis) ; un petit théâtre urbain de manipulation visuelle devant les Champs Libres (Studio Cité) ; la redécouverte du quartier du Vieux Saint-Étienne en chorégraphie sonore et déambulatoire (Sensibles Quartiers) ; une funambule spectaculaire dans les hauteurs du Carré Duguesclin (Résiste) ; une déclaration d’amour nocturne et schizophrène à Booba dans le quartier Beauregard (Métagore Majeure) ; du cirque minimal et fantaisiste au Théâtre du Vieux Saint-Étienne (Parbleu!) ; une fable numérique en duo près du pont Saint-Hélier (Big Data Yoyo) ; un théâtre déambulatoire en récit illustré et chanté dans les allées du Thabor (Patua Nou) ; de la danse urbaine et acrobatique sur un ring de Yopougon transposé au théâtre de Verdure (Faro Faro) ; des chants d’Amérique latine pour les droits des femmes place de la Mairie (¡Colectiva!) ; des concerts mêlant tantôt musique japonaise et clavecin (Yellow Magic Harpsichord), tantôt chants de la péninsule ibérique et électricité organique (Marion Cousin & Kaumwald) pour une Carte blanche à Autres Mesures, etc.
Photo : Mirage (un jour de fête) © Benjamin Le Bellec
Tant de spectacles, début juillet, ont soufflé le vent chaleureux de la liberté retrouvée, de la joie au présent. Après le vide des mois précédents qui nous avaient laissés assoiffés de mouvements, de spontanéité, de regards, de sourires, d’histoires, de danse, de sens, il ne pouvait en être autrement. S’il n’y a pas de lumière sans ombre, alors ce sentiment de l’été 2021, entier et inestimable, fut une juste réponse au brouillard de l’année passée.
Puis, en phase avec le rythme plus calme de l’été rennais, nous avons égrainé, en bonus, de belles propositions chaque week-end de juillet. Nous avons continué à jouer. Avec la frontière entre art et réalité pour Pasture with Cows des Belges de Captain Boomer, au Thabor ; avec la beauté de Bécherel, de sa campagne, avec l’oeuvre de Giono pour Que ma joie demeure du Collectif 49 701 ; avec le rythme et les codes de la représentation pour Magnificent 4 de Wooshing Machine dans divers lieux de Rennes ; avec l’oeuvre de Koltès et l’équilibre précaire pour Deal, dans l’écrin du Vieux Saint-Étienne aux côtés d’AY-ROOP ; avec le voyage et le mouvement pour Red Line Crossers de la compagnie Engrenage[s] dans le quartier Bréquigny, aux côtés de Clair Obscur et de la MJC Bréquigny.
Photo : The Magnificent 4 © Benjamin Le Bellec
Ce qui fait un festival
Avec des masques, des jauges et des incertitudes. Sans la liberté, sans point de ralliement pour les artistes. Le festival Les Tombées de la Nuit 2021 a eu lieu. Malgré les contraintes, l’essentiel s’est produit : des personnes qui, autour de l’art, partagent des émotions fortes et des discussions.
De la préparation
Quand on ôte certaines bases d’un festival, qu’en reste-t-il ? Du 1er au 4 juillet, le festival Les Tombées de la Nuit a rassemblé une douzaine de créations artistiques qui ont donné lieu à environ 120 représentations. « Compte tenu du contexte, l’organisation est devenue très technique : comment jauger les lieux, accueillir un public limité, s’adapter aux directives qui pouvaient encore changer, détaille Claude Guinard, directeur artistique des Tombées de la Nuit. Avec des choix artistiques validés depuis longtemps, puis reportés. Tout cela sans perdre notre âme. »
« À Rennes, ils ont lutté pour garder l’esprit festival, remarque Mehdi Meghari, chorégraphe de la compagnie de danse hip hop Dyptik, qui a proposé le spectacle Mirage (un jour de fête). On a joué dans d’autres festivals à cinq mètres du public, devant des gens masqués et immobiles, assis dans des pneus séparés chacun d’1m50. On perdait alors tout ce pourquoi on joue dans l’espace public : la proximité, la sincérité, la communication directe. »
Du public
« Ce qui constitue un festival, c’est le public. Qu’il soit au rendez-vous, qu’il se sente concerné. On vient d’un autre festival oùle public, lassédes reports, n’est pas venu, raconte Thomas Demay, co-fondateur du collectif A/R, qui a présentéPlacement Libre. Le fait de retrouver le public, de se réapproprier l’espace public, ça nous a ouverts. On a été plus loin dans la prise de liberté et de risques. »
Mehdi Meghari remarque que le contexte a créé un double effet sur cette édition. « D’un côté, les conditions de limites de jauge, où l’on compte et l’on refuse des gens, auraient pu être mal vécues. De l’autre, comme nous sortons d’une crise, le public a participé et s’est engagé beaucoup plus intensément que d’habitude. » Mirage, créé avant le Covid-19, parle de personnes enfermées, qui vivent une situation oppressante mais célèbrent malgré tout. À la fin de la représentation, à l’appel de la compagnie, les habitants se sont levés d’un bond pour danser et sauter avec eux.
Des émotions partagées
« En une heure, j’ai eu tellement d’émotions fortes, confirme un jeune spectateur, encore essoufflé de la danse finale de Mirage. J’avais le coeur qui battait vraiment beaucoup. J’ai senti que tout le monde était très très vivant. » Morgane, Léonie et Camille, assises non loin, poursuivent : « Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas ressenti ça en direct. Pendant les confinements, on avait bien suivi des projets artistiques en vidéo… Mais là, on se retrouve embarquées à voyager dans l’univers de quelqu’un d’autre, dans la sensibilité des artistes : ça fait tellement de bien. »
Dans un même lieu
Pour le trio de spectatrices, l’édition 2021 du festival a une saveur spéciale : « La joie de revoir des spectacles dans la rue, de se rassembler dans les espaces communs de la ville, de vivre des choses ensemble avec des inconnus, de tous regarder le ciel en craignant la pluie ».
« En tant qu’organisateurs, notre préoccupation était que les contraintes techniques n’empêchent pas le festival d’exister, explique Claude Guinard. Et c’est au beau milieu des représentations qu’on a senti ce qu’était le coeur du festival : les circulations d’un spectacle à un autre, les discussions, le bouche-à-oreille : « as-tu vu telle proposition ? Qu’en as-tu pensé ? » Le rassemblement, les liens invisibles au sein de cette communauté éphémère ».
Des échanges entre les artistes
« Ce qui nous a manqué clairement cette année, c’est un lieu de rassemblement entre artistes, poursuit Thomas Demay. Sans cela, c’était assez étrange. Dans ces moments de festival, on a envie de se croiser, d’échanger sur nos projets, nos visions. » Claude Guinard fait exactement le même constat : « c’est là qu’on se rend compte qu’un catering commun pour les artistes, ce n’est pas pour faire de l’entre-soi VIP. Le festival est un vrai espace de travail. C’est important pour les compagnies de partager leurs doutes, entre elles, avec nous, de rectifier entre deux représentations. L’accompagnement au long cours, c’est là aussi qu’il se passe. »
Audrey Guiller
Photo : Placement Libre © Benjamin Le Bellec
Depuis Septembre : observation et construction
Une saison progressive
Depuis septembre, les événements signés par Les Tombées de la Nuit se sont égrénés doucement, au fur et à mesure de la saison automnale, montée progressive se soldant par notre temps fort à l’entrée de l’hiver, Réveillons-nous, le retour.
Le 26 septembre, aux côté d’ilta Studio et de l’artiste Victor Guérithault, nous avons réitéré l’aventure Un dimanche aérien. Déjà, en 2020, la première édition avait montré l’intérêt et la curiosité des Rennais pour le cerf-volant. En partenariat avec I’m From Rennes et au son de la musique planante de DJ Ringard, ce dimanche ensoleillé a été à nouveau l’occasion d’un rassemblement familial où petits et grands ont pu faire voler les structures aériennes de l’artiste rennais ou remplir le ciel de couleur avec leur propre cerf-volant. Avec un vent un peu faible pour déployer tout le potentiel aérien de ces oeuvres, la journée s’est finalement révélée décalée et d’autant plus joyeuse, tout à notre image.
Photo : Un dimanche aérien © Benjamin Le Bellec
Suivait, le 17 octobre, un dimanche ensoleillé au rythme de New Orleans Fever d’Engrenage[s], que nous co-présentions avec le Triangle ; le 21 novembre, un dimanche chantant au son du spectacle Soul & Rhythm’n Blues Classics de l’interprète virtuose Régine Lapassion, avec la MJC Bréquigny et dans le cadre de Jazz à l’Ouest.
Du 25 au 27 novembre enfin, l’artiste Anna Rispoli était de retour àRennes, accompagnée de Martina Angelotti, pour présenter A certain value, dans la cadre du Festival TNB. Les deux artistes s’étaient rendues àBruxelles, Budapest, Marseille et Rennes pour recueillir les témoignages de femmes, d’hommes, d’enfants agissant sur le quotidien plutôt que de le subir : femmes détenues à la prison de Rennes, familles et mineurs demandeurs d’asile àMarseille, professionnels de l’art mutualisant leurs finances et leurs besoins, enfants s’organisant pour lutter contre le désastre écologique. L’ensemble de cette matière orale a ensuite donné naissance à un script écrit transformé à son tour en un documentaire implicatif. Fin novembre, à l’Hôtel Pasteur, des spectateurs se sont glissés dans la peau de ces protagonistes. À l’occasion de cinq représentations, le sérieux des thèmes abordés et des histoires racontées cohabitait avec l’humour et le rire partagé, pour un temps de reconnexion bienvenu.
Photo : A Certain Value © Nicolas Joubard
Pour les relations aux publics, une rentrée en douceur
Pour les relations aux publics, la rentrée s’est faite en douceur, propice à l’observation, au constat alors que beaucoup de liens s’étaient distendus au fur et à mesure de cette année de pandémie, tandis que d’autres allaient se créer en écho aux projets de la saison. Il s’agissait, à cette période typiquement intense de reprise de la vie culturelle, de laisser le mois de septembre se dérouler calmement, de prendre le temps de retrouver les partenaires fidèles, de continuer à construire le lien avec les habitants-complices. Aller prendre un café, faire le point sur les ressentis et les besoins de chacun.
La photographe Marilyne Grimmer était en résidence à Rennes du 11 au 15 octobre pour son projet Bons baisers de Rennes / Postcards from elsewhere. Après une année de couvre-feux et de restrictions, l’artiste française venue de Bruxelles a proposé à quatorze personnes, dont une partie accompagnée par l’association Les Petits Frères des Pauvres et des résidents de la Maison de retraite – EHPA – Résidence Surcouf, de se téléporter, de voyager vers une destination rêvée, le temps d’une photo. Pendant une semaine, de salon en salon, elle a photographié ces rêveurs, écouté les histoires, les anecdotes de voyages, les souvenirs. De retour àRennes en décembre, elle est allée leur offrir le résultat de leur participation à l’aventure : la photo encadrée et les cartes postales de leur téléportation. Avant l’exposition, à la fin de l’année, de ses photos et témoignages dans les abribus du centre-ville.
Et si vous pouviez vous téléporter ?
Avec son projet Bons baisers de Rennes, la photographe Marilyne Grimmer a offert un voyage express – imaginaire – à des Rennaises et Rennais immobilisés par les confinements.
« Si vous pouviez claquer des doigts et vous téléporter quelque part, là maintenant tout de suite, où iriez-vous ?» En résidence à Rennes en octobre dernier, la photographe Marilyne Grimmer a posé cette question à des résidents de la Maison de retraite sociale Surcouf, qui héberge des hommes bousculés par la vie.
« Marilyne nous a demandé de choisir un pays qui nous plaisait et de nous habiller comme si nous y étions, raconte Loïc, qui a participé au projet avec Louis, Dani, Jean-Jacques et d’autres. Elle nous a photographiés dans notre chambre. Puis elle a fait un photomontage pour nous transporter là-bas ».
« Les résidents m’ont touchée par leur enthousiasme, raconte Alice Butet, responsable des relations avec les publics aux Tombées de la Nuit. Ils ont été très volontaires, très investis. Chacun a tout de suite su où il voulait voyager ». Saurez-vous deviner d’où Louis, Loïc et Jean-Jacques vous enverront leur carte postale de voyage ?
Jean-Jacques
Indice visuel : Sur sa photo, il porte un bonnet et une écharpe en grosse laine.
Pourquoi il a embarqué dans l’aventure : « Pour participer à une expérience. Ça me plaît bien. »
Son rapport à la photo : «Deux photos sont accrochées dans ma chambre. Une de moi en «capitaine Haddock», je regarde la mer au loin. Une des résidents de mon foyer précédent. Ce sont des passages de ma vie».
Comment il a choisi sa destination : «Mon nom de famille est un mot anglais. Mon grand-père vient du Royaume-Uni. En voyage scolaire, au collège, je suis parti à Portsmouth et Plymouth. C’est des beaux souvenirs. J’aime l’atmosphère des bars avec des poutres et du bois vernis. J’aime surtout la Guinness. Bon, au foyer on ne peut pas boire d’alcool, alors j’ai posé avec un verre à bière rempli de café, pour faire semblant.»
Et la réponse est… Jean-Jacques a été téléporté en Irlande, dans un pub.
Louis
Indice visuel : Sur sa photo, il arbore une marinière et une casquette.
Pourquoi il a embarqué dans l’aventure : «J’étais un peu réticent au départ, car je ne m’estime pas très photogénique et je n’aime pas trop me mettre en avant. Mais après une année enfermée à cause du Covid, on a enfin pu voyager. Là-haut, dans notre tête».
Son rapport à la photo : «Dans ma chambre, je dois avoir un vieil appareil dans un coin, avec une pellicule à l’intérieur. J’ai aussi un album photos. C’est sympa, même si je ne reconnais pas tous les gens dessus.»
Comment il a choisi sa destination : «J’ai beaucoup voyagé. Marin, j’ai parcouru la Méditerranée, j’ai été à Rio, en Afrique, aux Canaries. Puis j’ai été routier. J’ai conduit des cars et des camions en Italie. Mais cette ville italienne que j’ai choisie pour la photo, je n’y ai jamais été. La casquette que j’ai et qui vient de là-bas, c’est mes parents qui me l’ont rapportée. Avec mes quatre frères et soeurs, on s’était cotisé pour leur payer le voyage, pour leur retraite. Ils étaient agriculteurs. Dans cette ville, faudrait aller avec une serpillère, parce qu’il y a de l’eau à éponger. Et moi, j’espère que ma photo de voyage ne sera pas en tête de gondole.»
Et la réponse est… Louis a été téléporté à Venise.
Loïc
Indice visuel : Sur sa photo, il porte un ensemble d’un bleu profond, des lunettes de soleil et des sandales brodées de perles.
Pourquoi il a embarqué dans l’aventure : «Pour la rencontre avec la photographe. Elle nous a écoutés. Parler d’un pays et de gens qu’on aime.»
Son rapport à la photo : «Des photos, j’en fais tout le temps depuis que j’ai 17 ans. Je les fais développer, et en plusieurs exemplaires, pour les donner aux gens qui sont dessus. Dans ma chambre, j’ai un sac rempli de photos. J’aime les regarder, ça me rappelle des souvenirs.»
Comment il a choisi sa destination : «Une de mes premières destinations étrangères a été l’Allemagne, pour un match avec l’équipe de foot de Monterfil. Ensuite, j’ai travaillé à l’étranger, j’organisais des chantiers de bâtiments temporaires. Au Maroc et en Italie, àNaples, après le tremblement de terre. Je n’ai jamais été dans le pays que j’ai choisi pour ce projet photo. Mais c’est un pays cher àJacques et Christian, deux référents que j’ai eus au foyer et que j’apprécie beaucoup. Tous deux sont engagés dans l’association de solidarité Gorom Rennes Gorom. Le pays a l’air si beau, je pourrais y rester plusieurs mois. Avec le désert, le soleil, les chèvres, la façon différente de vivre. L’association organise des repas où je suis invité. Récemment, le pays a souffert d’inondations torrentielles qui ont décimé les troupeaux. J’ai fait un petit don pour les aider».
Et la réponse est… Loïc a ététéléportéau Niger.
Audrey Guiller
Photos : Bons baisers de Rennes © Marilyne Grimmer
Dimanche à Rennes : reprise
Pour Dimanche à Rennes, en septembre, un air de normalité commençait à régner. Des partenariats mis en place à la fin du printemps venaient se concrétiser, sans plus de doutes sur leur faisabilité.
Déjà, en juin et avant notre temps fort estival, les partenariats avaient repris : la réalisation des Petits Dimanches de L’Étage, chaque dimanche du mois (Rock’n’ Roll Rebel de Rotor Jambrek, Chaud Devant ! des Voila Voila, Zou de la compagnie Son de Toile, Mokofina de la compagnie Lagunarte); un nouveau partenariat, le 27 juin, avec l’association La Pulse à l’occasion de sa Biennale Internationale de la Percussion ; un partenariat avec les Ateliers du Vent dans le cadre de leur événement La Vilaine Planète, le 4 juillet. Tel un échauffement avant le tourbillon festivalier, le mois de juin nous offrait quelques beaux moments, aboutissements de partenariats enclenchés pendant l’hiver ou nouvelles collaborations avec des acteurs locaux.
Cette dynamique s’est prolongée à l’automne, période typiquement dense en propositions à Rennes. Moins présents avec nos productions « maison », nous avons privilégié des partenariats avec d’autres structures faisant la part belle aux retrouvailles, aux rassemblements familiaux : Teenage Kicks et son Wall of Fame, boulevard Colombier ; Les petites Escales Africaines organisées par la compagnie Dounia ; la suite des Petits Dimanches de l’Étage avec le ciné-concert Silmukka de Les Gordon et la pièce musicale pour enfants Eurêka ! de la compagnie Monsieur Barnabé ; Bon anniversaire, Georges !, événement consacré à Georges Brassens et organisé par le comité de la Ballade avec Brassens.
Pour Dimanche à Rennes en général et nos partenariats en particulier, la rentrée marquait un retour aux choix dans les activités dominicales des Rennais, à une certaine régularité des propositions, des expériences collectives.
Réveillons-Nous, Le Retour
Notre saison et cette année de tous les rebondissements s’est achevée par le retour, du 26 au 30 novembre, de Réveillons-Nous. Ce temps fort hivernal, qui avait marqué l’histoire des Tombées de la Nuit entre 2003 et 2012, devait déjà réapparaître en 2020, comme une revanche sur la dure année qui s’achevait. Mais de nouveau, la situation sanitaire nous l’avait interdit.
Finalement, l’attente encore longue qui a succédé à cet hiver 2020, la convalescence qui a suivi et le retour progressif à la lumière, rendait la concrétisation de notre édition 2021 d’autant plus sensée, d’autant plus sensible. Elle venait conforter un certain optimisme croissant.
Ainsi, pendant cinq jours, entre Noël et le Nouvel An, Rennes a rimé avec éclectisme. Fidèle à l’ADN des Tombées de la Nuit, ce temps fort a vu l’exposition Bons baisers de Rennes se déployer sur les abribus de la ville, le rock littéraire de Mendelson succéder à l’humour jubilatoire de la compagnie Mégastars (Je n’ai rien à vous dire), à l’énergie débordante du Collectif ÈS (Loto3000), à l’expérience audio-sensuelle Finis ton assiette !, à la poésie du conte jeune public de David Monceau (Clarté), à la virtuosité du Piano Solo de Melaine Dalibert.
Dans un contexte toujours compliqué mais à l’aube d’une nouvelle année pleine de promesses, dans des lieux variés et investis parfois pour la première fois (comme la Maison Bleue et l’hémicycle du Conseil Régional), les planètes se sont alignées, offrant aux spectateurs et aux artistes, en guise d’adieu à 2021, une parenthèse hivernale riche et joyeuse.