Photo : © Hackathon © Benjamin Le Bellec
— Publié le 4 février 2025 —
Une semaine pour une communication accessible

En novembre dernier, des étudiants en art et des personnes en situation de handicap ont participé à une semaine de hackathon* créatif sur le thème de la communication accessible. Accompagnés par Les Tombées de la Nuit, Les Champs libres et des professionnels du graphisme, ils ont imaginé ensemble une affiche attirante et compréhensible pour le prochain festival Nos futurs. Marie Chardonnet, chargée de communication aux Tombées de la Nuit, Jade Bechtel, coordinatrice de Nos futurs et Vincent Pérès, directeur adjoint des Champs Libres, reviennent sur l’aventure.

Pourquoi avoir organisé ce hackhathon ?

Marie Chardonnet : Aux Tombées de la Nuit, créer des outils de communication accessibles et compréhensibles par tous les publics, y compris ceux en situation de handicap, nous intéresse. On a déjà travaillé sur les plaquettes FALC (Facile à lire et à comprendre), mais on voulait aller plus loin. Or, contrairement au web design qui permet de réfléchir beaucoup à l’accessibilité en temps réel, on a trouvé peu de recherches, peu d’études, peu de matière théorique sur l’accessibilité des supports imprimés. On en a discuté avec Sabrina Morisson d’Idéographik et Laurence Schultz de Pollen Studio, avec des publics en situation de handicap, avec des étudiants qui remarquaient qu’ils n’étaient pas sensibilisés à la question à l’école, et on a eu envie de rassembler tous ces gens pour rêver et expérimenter quelque chose en collectif.

Vincent Pérès : Les Tombées de la Nuit nous ont sollicités pour participer au projet. Cela nous a tout de suite intéressés car on compagnonne depuis longtemps avec eux, mais sur de la programmation artistique. Là, il s’agissait de collaborer d’une autre manière entre un acteurs d’un même territoire. Pour nous, la communication accessible est un vrai sujet. Les Champs libres, c’est un lieu gratuit, ouvert à tous, quotidiennement. Notre mission est de mettre le public le moins à distance possible. On a une référente accessibilité dans l’équipe depuis notre ouverture.

Quelles questions se posent autour de la communication accessible ?

Marie Chardonnet : Comment aborder la conception d’un outil de communication s’adressant au plus grand nombre ? Comment inclure l’expérience des publics avec et sans handicap dans un processus de création ? La contrainte de l’accessibilité conduit-elle à une simplification, voire à un appauvrissement graphique ? Comment sensibiliser les graphistes aux enjeux de l’accessibilité ?

Qui a participé au marathon créatif ?

Jade Bechtel : 21 étudiants et étudiantes volontaires en graphisme du DNMADE Bréquigny, de l’ESAAB et de LISAA, 14 personnes en situation de handicaps différents, Sabrina Morisson d’Idéographik et Laurence Schultz de Pollen Studio, Marie et moi. Pendant 5 jours, à l’Hôtel Pasteur, tout le monde s’est mélangé pour constituer des équipes qui ont chacune imaginé l’affiche pour le dépliant du festival.

Qu’est-ce qui vous a marqué pendant cette semaine ?

Jade Bechtel : Les ateliers où les étudiants ont été amenés à ressentir et éprouver les handicaps par leurs sens, via des lunettes de simulation de malvoyance, par exemple. En comprenant comment les publics recevaient et intégraient les informations, certains ont eu des prises de conscience fortes. J’ai entendu : « Je ne peux plus concevoir mon métier de la même manière ».

Vincent Pérès : J’ai été frappé par l’horizontalité de la création. Même si chacun était en train de créer et défendre des idées, toutes et tous sont restés très précautionneux, très attentifs les uns aux autres.

Jade Bechtel : Certains groupes ont décidé d’inclure directement les personnes en situation de handicap dans la création graphique de l’affiche. Pour une personne, c’était la première fois qu’elle utilisait un pinceau. Ça bouscule des trajectoires. Une autre a dit : « ça fait du bien de se sentir normal ».

Qu’avez-vous appris ?

Marie Chardonnet : Que sur la question de l’accessibilité, faire travailler ensemble professionnels de l’image et publics est une partie de la réponse. Jusqu’à présent, ces rencontres ne se faisaient pas.

Vincent Pérès : Qu’on peut combiner communication accessible et esthétique. Tous les équipes ont proposé une affiche beaucoup plus accessible et universelle que tout ce qu’on a fait jusque-là, avec une esthétique affirmée et créative.

Jade Bechtel : J’ai retenu l’idée qu’il ne faut pas négliger les informations de base. Par exemple, représenter sur l’affiche le bâtiment où aura lieu l’événement est nécessaire. Attention aussi aux typos peu lisibles. Je n’avais pas conscience que l’affiche doit pouvoir être « augmentée ». Je ne parle pas de QR code. Mais elle doit par exemple pouvoir être utilisée par des applications de description d’image par synthèse vocale, très utilisées par les publics. Cela nous a donné l’idée d’essayer de présenter nos programmes en courts messages vocaux.

Marie Chardonnet : Que l’accessibilité consiste aussi à penser l’espace dans lequel s’inscrit l’affiche. Des équipes ont imaginé placer des éléments graphiques au sol pour amener la personne jusqu’à l’affiche.

Comment l’affiche finale a-t-elle été choisie ?

Jade Bechtel : Les équipes ont présenté leurs travaux devant un jury de professionnels qui a sélectionné 3 projets répondant aux attentes de la commande. Ces propositions ont ensuite été soumises au vote de jeunes qui prennent part à l’organisation de Nos futurs. Notre service com et l’équipe lauréate en sont à la phase de production de l’affiche. On a très envie de raconter toute cette aventure pendant le festival Nos futurs, en mars prochain, et peut-être partager nos 10 commandements de la communication accessible avec un large public.

Propos recueillis par Audrey Guiller

* Évènement au cours duquel des spécialistes et volontaires se réunissent durant plusieurs jours autour d’un projet collaboratif.

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