Photo : © Lignes Ouvertes © Nicolas Joubard
— Publié le 22 novembre 2023 —
Seule dans les airs grâce aux autres sur terre
Retour sur l’aventure Lignes Ouvertes de la compagnie Basinga.

En juillet dernier, Tatiana-Mosio Bongonga a marché et dansé à vingt mètres au-dessus de l’esplanade Charles-de-Gaulle. On ne peut pas dire que sa performance ne tenait qu’à un fil. Funambule « sans attache », l’artiste était entourée de la compagnie Basinga, qui veut dire « liens » en lingala, et de 60 habitantes et habitants complices qui ont maintenu le fil sur lequel elle a fait des prouesses.

Un fil suspendu à 20 mètres de hauteur traverse l’esplanade Charles-de-Gaulle. Tatiana-Mosio Bongonga, funambule et co-directrice artistique de la compagnie Basinga, s’apprête à s’y lancer sans attache pour le spectacle Lignes ouvertes. La musique démarre. Soixante personnes surgissent alors sur la place. Elles et ils portent des tee-shirts rouge marqués « Cavalettiste » : « J’ai répondu à un appel à participation sur le site des Tombées de la Nuit, explique Frédéric Percevault, l’un d’entre eux. Notre rôle de cavalettiste est de stabiliser la corde sur laquelle marche Tatiana. On est au sol, attachés à des cordes grâce à un harnais au niveau de la taille, et on fait des pas en avant ou en arrière pour tendre notre corde et équilibrer la sienne. »

Techniquement, la corde de marche de la funambule pourrait être maintenue par des câbles fixés au sol. « Mais l’idée de ce spectacle est de rassembler et d’inclure des hommes et des femmes de tous âges, cultures, profils », décrit Jan Naets, directeur technique et co-créateur de la compagnie. « On a parfois le cliché d’un funambule tête brûlée qui n’a besoin de personne, poursuit Tatiana. Ici, au contraire, c’est parce que des humains coopèrent, parce que chacune et chacun prend sa responsabilité à un endroit qu’on arrive à faire un projet d’envergure. »

Beaucoup de vie et d’énergie

Les cavalettistes, des habitantes et habitants volontaires de la Métropole, ont participé à trois ateliers de préparation avant le grand jour. « La compagnie explique, nous met en confiance. On voit qu’ils savent ce qu’ils font, raconte Frédéric. Ils nous rassurent aussi : même si l’un défaillit, les autres compenseront. » Les cavalettistes prennent peu à peu conscience des éléments du spectacle : la météo, la tension des cordes, les mouvements de Tatiana. L’art de Jan et son équipe est de les tranquilliser tout en les gardant concentrés. « Quand les cavalettistes bougent, je sens des vibrations sur la corde, détaille Tatiana. Ça ajoute de la difficulté mais ça me nourrit. De leur rassemblement et de leur confiance se dégage beaucoup de vie et d’énergie qui me stimulent. »

Fawad Sheryar Eliasy, cavalettiste, était placé sous le milieu du fil. « J’ai eu peur de faire une erreur pendant le spectacle, car mon pied droit est fragile et équilibrer demande de la force. À un moment donné, quand elle a dansé, j’ai cru qu’elle allait me tirer avec elle ! » Fawad a beaucoup aimé l’expérience : « Tous les cavalettistes, nous étions énergiques et motivés. En étant entouré de milliers de spectateurs, je me suis senti un peu spécial aussi. » Frédéric, attentif à se positionner le mieux possible sans donner d’à-coup, était à la fois admiratif des mouvements de Tatiana et fier de pouvoir répondre aux questions des spectateurs curieux autour de lui. Jan confirme : « Les cavalettistes ressentent chaque pied sur le fil, ils y sont connectés, ils peuvent parler de la performance d’une façon particulière. »

Comme une ligne sociale

De retour au sol, Tatiana, Jan et l’équipe de Basinga prennent un long temps d’échanges avec les cavalettistes. On s’applaudit, on trinque, on rit. Tatiana distribue des porte-bonheurs. « C’est super ce partage, sourit Frédéric. Et tellement réjouissant de participer à une création artistique que d’autres voient et apprécient. Vivement la prochaine fois ! » Pour les artistes aussi, cet échange compte. « Ça fait du bien d’expliquer la réalité de nos métiers pour sortir des clichés, reconnaît Tatiana. Que des gens comprennent notre manière de faire et l’acceptent. On se sent soutenus. » Fawad, qui est arrivé d’Afghanistan à Rennes en 2021, a déjà hâte de s’impliquer dans un prochain spectacle des Tombées de la Nuit. « Je viens d’un pays en guerre, où les Talibans radicaux ne laissent pas ce genre de spectacle se produire. Pour moi, c’est une expérience nouvelle et belle. J’aime me connecter avec différentes personnes de cultures et d’horizons différents. Cela augmente mes connaissances. Et cela crée comme une ligne sociale entre les gens. »

Audrey Guiller

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