En mai avec son projet Éon et le chœur de chambre Mélisme(s), en juillet en duo rock avec Mona Soyoc : cette année, Olivier Mellano a donné deux rendez-vous aux Tombées de la Nuit. Le musicien breton revient sur son histoire de presque vingt ans avec le festival.
Quel est votre premier souvenir aux Tombées de la Nuit ?
Une bataille géante de polochons dans la salle de la Cité ! C’était en janvier 2004, pour Réveillons-Nous. Nous y avions une carte blanche avec le groupe Bed. C’était une soirée très douce et enveloppante, avec des lits partout et des pièces pour clavecin. Là, j’ai vite compris que Claude Guinard (directeur artistique des Tombées de la Nuit) allait proposer au public des formes uniques et un peu en marge. Ça a été le début d’une collaboration avec Les Tombées, marquée par la confiance et la fidélité.
Qu’est-ce que Les Tombées de la Nuit et vous avez en commun ?
L’envie d’amener les gens dans des endroits inhabituels, de tester de nouveaux espaces géographiques et artistiques. La conviction que le public peut tout recevoir, à condition d’y travailler : on lui fait confiance, on ne veut pas penser à sa place ni niveler nos exigences par le bas. Les Tombées de la Nuit m’ont accompagné dans des moments cruciaux. Je pense à No Land, en juillet 2016, place du Parlement. Au début, j’avais juste imaginé une pièce contemporaine pour un bagad. Sur le papier, cela pouvait sembler coûteux, voire un peu austère. Les Tombées de la Nuit m’ont suivi : c’est rare et précieux, les gens qui prennent ce risque. Ils m’ont présenté le formidable bagad de Cesson-Sévigné puis j’ai embarqué le chanteur Brendan Perry (Dead can Dance) dans l’aventure. C’était incroyable.
Comment Les Tombées de la Nuit accompagnent les artistes, selon vous ?
Ils offrent aux artistes un support crucial : la confiance. Comme ils savent ce qu’ils font, ils amènent les discussions quand il le faut, donnent le temps au travail, évitent la pression. Cela donne envie d’être à la hauteur. Comme lorsque Claude, en 2014, m’a proposé un duo de musique improvisée avec l’instrumentiste Loup Barrow, aux Étangs d’Apigné. En live, le courant peut ne peut pas passer. Mais les matières de nos instruments se sont mélangées à merveille. Les Tombées de la Nuit savent mettre en présence des forces différentes pour créer du nouveau.
Un lieu où vous avez aimé jouer ?
À Maurepas, au milieu des tours, en 2007. Pour le ciné-concert Duel. Trouver des endroits particuliers, des contextes intéressants pour que les œuvres résonnent : c’est une autre force des Tombées de la Nuit. À Maurepas, on a pu jouer de la musique noise et bruitiste devant des personnes âgées et des enfants et le retour du public a été super. C’était pointu et populaire. Je pense aussi au ciné-concert L’Aurore, en 2006, à la chapelle Saint-Vincent. C’était un magnifique cadeau acoustique, qui a fortement intensifié la scène de mariage, dans le film.
Qu’est-ce qui vous étonne encore dans cette collaboration ?
Je suis étonné de la fraicheur et de l’enthousiasme, sans lassitude, qui continuent à émaner des Tombées de la Nuit. Ils ne cessent de se remettre en question, d’être curieux, de surprendre le public, de se métamorphoser pour tromper la routine. À l’image des deux projets que j’y ai présentés cette année. En mai, Éon, une composition classique contemporaine avec le chœur de chambre Mélisme(s). En juillet, un duo rock avec Mona Soyoc au Cloître du Thabor. Ces deux propositions peuvent paraître aux antipodes, esthétiquement complètement opposées. Pourtant, elles sont liées : dans le monde harmonique, dans la couleur d’écriture, dans un même mouvement qui passe du sombre à quelque chose de plus lumineux.
Propos recueillis par Audrey Guiller