Action Hero au Kosovo en 2020 : retour sur une résidence distanciée, ou comment imaginer de nouvelles collaborations dans un contexte de crise.
Souvenez-vous. En juillet 2019, le duo Action Hero (Gemma Pantin et James Stenhouse) présente Oh Europa aux Tombées de la Nuit. À bord de leur camping-car aménagé, dans divers lieux de la ville, ils accueillent des Rennais venus chanter volontairement une chanson d’amour de leur choix, chanson personnelle, chère à leur cœur, enrichissant ainsi un fond évolutif de témoignages sonores récoltés à travers l’Europe par ces artistes britanniques.
Cet été-là, l’aventure rennaise se ponctue, au Parc du Thabor, par une journée d’écoute de ces témoignages chantés, via la web RadiOh Europa. Une façon d’apporter d’autres pierres de cœur à cet édifice européen d’un nouveau genre, nouvelle manière d’imaginer et de penser l’Europe, de partager en voix et en rencontres cet espace commun et intime.
Après ce passage à Rennes, l’aventure commune doit continuer. Le duo, épaulé par Les Tombées de la Nuit, souhaite aller à la rencontre de nouveaux imaginaires chantés et continuer la récolte dans d’autres lieux d’Europe.
Pendant ce temps, au sein du réseau In Situ, réseau européen soutenant la création d’art dans l’espace public, et dont Les Tombées de la Nuit font partie, les partenaires multiples continuent à se retrouver aux quatre coins de l’Europe et notamment au Kosovo, via Teatri ODA à Pristina. Un partenaire cher au réseau In Situ et avec lequel Les Tombées de la Nuit n’ont alors encore jamais travaillé. C’est l’occasion parfaite de tricoter un projet ensemble : connecter des artistes avec un festival partenaire, retrouver un écho de l’expérience rennaise à l’autre bout de l’Europe, construire un imaginaire commun.
Bien sûr, l’année 2020 en décide autrement. Impossible de traverser l’Europe à l’été 2020, impossible de sortir de nos frontières respectives. Mais la volonté demeure, vaille que vaille, de continuer à tracer ce chemin de la collaboration, de rêver et de chanter. La situation sanitaire accentue même, de bien des manières, ce désir de connexion.
Une fois passée la déception de ne pouvoir se rendre sur place, au Kosovo, Gemma et James commencent à repenser les choses, à changer leurs protocoles habituels. Surtout, ils tentent de lâcher prise. Avec la complicité de Florent Mehmeti, fondateur et directeur de Teatri ODA, une vie possible du projet est imaginée à Pristina, à distance des artistes basés à Bristol. En s’associant à une artiste kosovare, Daniela Markaj, en soutenant et en guidant les étapes de travail à distance, en collaborant donc, Oh Europa continue sa route à travers une Europe paralysée.
Dans cette collaboration d’un nouveau genre, beaucoup de questions se posent : comment travailler à distance ? Comment ne pas perdre l’âme d’un projet artistique ? Une œuvre d’art vivant doit-elle être réalisée par ses créateurs ? En temps de crise mondiale, comment partager une esthétique et un acte politique, comment repenser nos actions ? Comment lâcher prise ?
Pour beaucoup, la réponse réside dans une confiance mutuelle et collective : confiance dans le projet artistique, dans les artistes, confiance dans la capacité des lieux à s’adapter, confiance dans les partenaires avec lesquels, depuis plusieurs années, une histoire commune se noue.
L’épisode Kosovar de Oh Europa n’est pas un projet satellite. Il s’inscrit entièrement dans le développement d’une œuvre pensée pour l’Europe et à travers l’Europe. Aujourd’hui, cette collaboration à la mode de 2020 nous permet d’écouter encore plus de chansons d’amours venues d’encore plus de pays, grâce à des artistes qui, de chaque côté de l’Europe, ont réussi à créer une correspondance chantée. Une nouvelle forme de relation épistolaire, en somme.