Pascal Rome, créateur de la compagnie OpUS, a commencé à travailler avec Les Tombées de la Nuit en 1995. Il est revenu pour l’édition 2019 du festival avec le spectacle Le Grand débarras. Avec ses 26000 Couverts, Philippe Nicolle, lui, est venu jouer 56 fois aux Tombées de la Nuit. Dont récemment, Véro 1ère, Reine d’Angleterre. Interview croisée.
Qu’apporte une collaboration si longue entre une compagnie et une structure comme Les Tombées de la Nuit ?
Pascal Rome : Claude Guinard et son équipe nous font confiance. Ils comprennent au-delà des mots sur un dossier et prennent des risques. Avec eux, on se sent autorisés à essayer, à être fragiles parfois. Beaucoup de structures de diffusion veulent du résultat, un spectacle nickel, tel coût, telle jauge. Les Tombées de la Nuit sont assez patientes pour considérer que les premiers pas d’un spectacle font aussi partie de sa vie. On y joue et on y voit des spectacles neufs, frais.
Philippe Nicolle : À partir de nos expériences communes qui se sont bien passées, nous avons créé une relation de qualité. Cela donne un accompagnement plus humain et souvent plus adapté. Leur confiance nous donne plus de force. Nos spectacles sont comme le vin, ils se bonifient avec l’âge. Les Tombées de la Nuit nous donnent l’opportunité et le temps de les améliorer. Alors, on sort de notre zone de confort. Les coups qu’on a faits à Rennes étaient risqués ! On a osé des formes moins évidentes, comme Le Grand Bal des 26000 Couverts en 2004 ou L’idéal club en 2016.
Entretenez-vous un lien particulier avec Rennes ?
Pascal Rome : Oui, parce que Les Tombées de la Nuit y ont créé un public qui a confiance, un collectif bienveillant vis-à-vis de propositions très participatives comme les nôtres. À Rennes, on est toujours agréablement surpris par les allers-retours avec le public. On a fait des siestes, des concours de boule, des visites de l’Opéra avec les Rennais. On a même cuit des merguez devant 300 personnes. De ce moment construit en commun est né un spectacle.
Philippe Nicolle : C’est une ville où l’on se sent bien, où le contact s’établit vite avec les gens. On y est tellement attachés que c’est quasiment devenu notre ville d’adoption, après Dijon. On sent le public dans une vibration et une qualité d’écoute qu’on ne trouve pas partout. On est aussi impressionnés par une municipalité qui aime la culture et qui a l’intelligence de mettre le paquet là-dessus.
Un partenariat si long, n’est-ce pas du copinage ?
Pascal Rome : Si c’était du copinage, Claude Guinard nous dirait « Quoi que tu fasses, on te programme ». Ça ne s’est jamais passé comme ça. Ce serait inintéressant. On grandit ensemble. Nos propositions sont sans arrêt modifiées par ce qu’on vit et ce qui nous entoure. Leur équipe vient voir toutes nos « premières ». On peut même dire que leur exigence s’affine.
Philippe Nicolle : Leur confiance permet de nous pardonner parfois, mais l’équipe nous rechoisit à chaque fois. Une compagnie est un équilibre fragile. Elle n’est pas à l’abri de perdre une certaine fraîcheur artistique. Normal qu’on ne la programme pas les yeux fermés. Je dirais même que grâce à cet accompagnement long, Les Tombées de la Nuit sont les rares à nous questionner et nous bousculer. Ces critiques nous sont très utiles.
Audrey Guiller