Sophie, Guillaume, Danièle et Yves sont sourds ou malentendants. Début juillet, en une journée au festival, ils ont participé à une performance, assisté à un spectacle traduit en LSF (langue des signes français) et… dansé !
10h. Place Hoche, répétition sous le soleil. Guillaume et Sophie, malentendants, enchaînent les gestes proposés par Liévine Hubert, pour sa performance No Regret. Tous deux font partie des 70 habitants complices qui surgiront du public, ce soir, pour exécuter une chorégraphie autour de la comédienne, sur une chanson d’Edith Piaf. « On a participé à un atelier pour apprendre les gestes, explique Guillaume, implanté d’un appareil auditif. J’avais peur de mal faire. Mais ça ressemble à la LSF. » Sophie est très enthousiaste : « C’est bien de sortir. On découvre de nouvelles choses, on vit des expériences uniques. »
12h. Danièle, qui s’exprime en LSF, les rejoint au Thabor pour assister au spectacle Thinker’s corner. Derrière des stands, trois comédiens munis d’oreillettes et de micros relaient la parole de penseurs, comme des conférences philosophiques de poche. Auprès des comédiens se tiennent des interprètes en LSF. « Chaque année, nous réfléchissons aux spectacles que l’on peut rendre accessibles à différents publics », explique Marion Poupineau, responsable des relations avec les publics aux Tombées de la Nuit. L’interprétariat est un outil parmi d’autres. « Les artistes sont toujours très partants, car peu de structures le leur proposent. Et cela peut même enrichir leur projet. »
Dominique Roodthooft, metteuse en scène de Thinker’s corner, confirme : « Regardez l’interprète LSF à côté du comédien, qui interprète déjà un penseur : cela renforce notre proposition. Les spectateurs, même entendants, ont intérêt à regarder les deux. » Le but de Thinker’s corner est « de faire accéder les gens à des choses pour lesquelles ils pensent qu’ils ne sont pas faits, comme la philo ». Une personne malentendante aurait pu se dire la même chose d’un spectacle basé sur la parole… Danièle en sort enchantée : « J’ai entendu des choses très justes sur le collectif, la différence, la tolérance. »
17h. Devant le public, Sophie et Guillaume signent, au son de « Non, rien de rien… ». « C’était sublime, raconte Sophie, qui écoutait cette chanson, avant. « C’est ma politique de vie à moi aussi : laisser le passé de côté pour vivre pleinement le présent. Et puis ce mélange, nous tous, c’est beau », sourit-elle en montrant les familles, les retraités, les jeunes d’un foyer et ceux d’un hôpital psychiatrique qui participent eux aussi à la chorégraphie.
20h30. Place Saint-Germain, Yves (79 ans), Sophie et Guillaume se laissent porter par l’élan du spectacle Vendredi. Ils dansent avec la foule. « C’était une seule journée, mais c’est beaucoup plus, résume Béatrice, travailleuse sociale à l’Urapeda, qui les a accompagnés toute la journée. C’est un message : même des malentendants ont leur place dans des performances participatives ou comme spectateurs. Et c’est une dynamique, qui les pousse à continuer à être curieux. »
Audrey Guiller